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Les fugitifs devenant de plus en plus nombreux, il arriva un jour où tous les gisements aurifères, dont l’exploitation fasait vivre ces proscrits, furent occupés. Les premiers venus n’étaient nullement disposés à céder la moindre parcelle de leur domaine. Qu’allaient donc devenir les derniers arrivés, dénués de tout ? Allaient-ils être réduits à faire la chasse aux tigres et aux ours avec les couteaux et les pioches qui constituaient leurs seules armes ? C’était la mort à brève échéance. A la vérité, la perte n’eût pas été bien grande, car tous étaient des voleurs ou des criminels que le gouvernement chinois avait tirés de leur prison pour les envoyer aux mines, les ouvriers libres refusant de se rendre en Mandchourie. Comme ces malheureux paraissaient décidés à entrer en lutte avec les premiers Khoungouses, ceux-ci consentirent à leur fournir tout ce qui leur était indispensable pour trois mois. Mais ils affirmèrent en même temps qu’après ce délai, ils résisteraient, même par la force, à de nouvelles exigences.

Pour subsister, les nouveaux venus mirent le pays en coupe réglée. En raison de leur passé, le pillage n’était pas fait pour les effrayer. Ils se groupèrent en bandes qui, bientôt, terrorisèrent toute la Mandchourie, Toutefois, soit par reconnaissance, soit par crainte, ils ne s’attaquèrent jamais aux chercheurs d’or dont l’assistance les avait sauvés de la mort au moment de leur fuite. S’ils rencontraient sur les routes des convois appartenant à ceux-ci, ils les laissaient passer sans prélever de dime sur leur précieux chargement, alors qu’ils pillaient sans vergogne les chariots transportant les bagages des mandarins, voire des gouverneurs chinois.

Au début, leurs exploits furent presque timides. Encore peu nombreux, mal organisés, manquant souvent de vivres, à peine armés de mauvais sabres, ils n’attaquaient guère que les passants isolés et sans défense ; souvent ils se contentaient d’explorer les poches des voyageurs ou de leur enlever leurs bagages à l’exemple des membres de la célèbre Sia-Lu-Hoei, c’est-à-dire de l’association des voleurs en détail, bien connue en Chine depuis des siècles. Ils se rendaient dans les foires et dans les marchés, où, au milieu de la foule, ils avaient toutes facilités pour exercer leurs talents sur une vaste échelle. Malheur