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au marchand qui se séparait de sa sacoche, ne fût-ce qu’un instant ! Il avait bien des chances de ne plus la revoir. Quant à celui qui la conservait soigneusement attachée à sa ceinture, il lui arrivait fréquemment de n’en plus retrouver que la poignée : un adroit Khoungouse avait habilement subtilisé la sacoche. La seule ressource de la victime était de s’enquérir de la demeure du représentant des brigands dans la ville : ceux-ci possédaient en effet partout des correspondants, chargés de leurs relations avec le public. Si le volé n’était pas trop maladroit, il réussissait le plus souvent à rentrer en possession de son bien, moyennant une remise qui ne dépassait guère la moitié de la somme soustraite. Quand il s’agissait de bagages ou de marchandises que les Khoungouses s’étaient appropriés, il suffisait d’ordinaire de payer une rançon représentant 50 pour 100 de leur valeur pour les retrouver chez le représentant des brigands.

Rarement les victimes des Khoungouses s’adressaient à la gendarmerie pour se faire rendre ce qui leur avait été soustrait. Les gendarmes, dont le nom Ma Kouai signifie « cavaliers qui fendent l’air, » — probablement parce qu’ils sont toujours à pied et que leur lenteur est proverbiale, — se faisaient volontiers les complices des brigands. Lorsqu’un indigène était aux prises avec les Khoungouses et qu’il appelait à son secours, les Ma Kouai s’empressaient d’accourir, s’ils étaient dans le voisinage. Mais au lieu de protéger le malheureux qui les implorait, ils se joignaient aux brigands pour le dépouiller et prendre leur part du butin ainsi conquis. Aussi les gens volés avaient-ils plutôt recours aux représentants des Khoungouses qui étaient des voleurs relativement honnêtes, puisqu’ils restituaient une partie de leurs larcins alors qu’ils pouvaient tout garder. Nous serions parfois bien aises de voir leurs confrères d’Europe agir avec autant de délicatesse !

Les Khoungouses assommaient bien de temps en temps quelques voyageurs qui avaient le mauvais goût de vouloir résister à leurs exigences, mais ces accidents étaient rares. Au surplus, les autorités s’en inquiétaient fort peu, car il s’agissait de petites gens dont la vie était sans grande importance.

Peu à peu cependant, ces nouvelles fédérations devinrent puissantes grâce à l’arrivée de nouveaux déserteurs, grâce surtout à leur lucrative industrie. Leur organisation était calquée