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LA FAYETTE AUX CHAMPS

Sans exagérer l’importance des reflets de l’extérieur sur le miroir de l’âme, on peut ranger La Fayette parmi les gentilshommes de l’ancienne France qui puisèrent dans une éducation reçue à la campagne l’amour du risque et le goût de l’aventure.

Le château de Chavaniac, où naquit le 6 septembre 1757 Gilbert de La Fayette, était entré en 1708 chez les Mottier de La Fayette, une des meilleures maisons de la Basse-Auvergne, — par le mariage d’Edouard Mottier de La Fayette avec Marie-Catherine de Chavaniac. C’était, en la collecte de Saint-Georges d’Aurat, élection de Brioude, un lourd manoir fortifié du XIVe siècle, digne de tenter plus tard le crayon d’un Gustave Doré. Terrasse crénelée d’un arrogant donjon et tours en pigeonnier dominaient un panorama incomparable d’une noble sévérité.

Du haut de son nid d’aigle solidement assis sur les premiers escarpements des montagnes de Fix, le futur libérateur d’un monde nouveau put, dans un paysage volcanique, saisir à l’infini le mouvement profond des monts et des rocs soulevant le pays par grandes ondes, les convulsions géologiques du Chaliergues et les ondulations du sol de Paulhaguetet admirer, en lignes perdues dans les brumeux lointains, la douceur du Val d’Allier dominé par la chaîne dénudée de la Margeride ou les silhouettes altières des Monts Dôme, du Luguet, du Plomb du Cantal et du Sancy. C’était, — en une contrée pauvre où la vie était rude, — un paysage pathétique et grandiose dont les premiers plans n’étaient point cependant sans quelque grâce : une avenue de mille mètres reliait le château à Paulhaguet ;