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paraît si naturelle, quand on sait les raisons de sentiment, de tradition et d’intérêt qui les attachent à leur Université ! Cette institution est alsacienne par son histoire, alsacienne par ses fondations, alsacienne aussi par les grands sacrifices qu’elle a coûtés à l’Alsace.

En 1558 l’humaniste Jean Sturm, originaire de l’Eiffel, qui avait étudié à Louvain et enseigné à Paris, fondait un « gymnase » à Strasbourg, dans le cloître des Dominicains. Après avoir passé par des classes correspondant à notre enseignement secondaire, les élèves pouvaient suivre des cours de philosophie et même recevoir des notions de droit, de médecine et de théologie ; mais le Gymnase ne conférait pas les grades académiques. Les professeurs des cours supérieurs étaient, tous, chanoines prébendes du chapitre réformé de Saint-Thomas. L’école dépendait de la ville de Strasbourg. Les fonds étaient fournis par les écoliers et surtout par les revenus de plusieurs couvents sécularisés : Augustins, Dominicains, Franciscains.

Ce fut la division supérieure du Gymnase qui devint l’Université de Strasbourg. Maximilien II fit du Gymnase une « Académie » à laquelle il donna le droit de former des bacheliers et des maîtres es arts, mais refusa la collation des grades de théologie, de droit et de médecine : l’Empire augmentait toujours à regret les privilèges de Strasbourg, ville libre et protestante. Enfin, en 1621, Ferdinand II consentit à transformer l’ « Académie » en Université avec pouvoir de conférer les grades dans toutes les facultés. Quant au Gymnase, il resta un simple établissement d’enseignement secondaire ; il s’est perpétué jusqu’à nos jours sous le nom de « Gymnase protestant. »

Ce fut donc seulement au XVIIe siècle que l’Université reçut de l’Empereur ses litres et ses privilèges, mais en réalité, elle remonte aux temps de l’humanisme et de la Réforme. A sa naissance elle est purement strasbourgeoise et purement luthérienne, double caractère qui explique maintes particularités et maintes vicissitudes de son histoire.

La guerre de Trente ans contraria le développement de l’Université. Les désordres de cette ère de troubles n’étaient pas encore réparés quand l’Alsace redevint française. La convention d’Illkirch (1681) avait maintenu tous les droits et privilèges de l’Université qui demeurait une institution de la République de Strasbourg ; mais en vertu de la capitulation de