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de tant de ressources mises libéralement à la disposition des maîtres et des étudiants, et, songeant à sa pauvre et étroite Sorbonne, M. Lanson s’écriait : « O ma France, éternellement héroïque, merveilleusement débrouillarde, et irrésistiblement pingre, qui sais bien parfois gaspiller, mais qui ne sais pas dépenser, qui vis au jour le jour et calcules toujours trop juste, avec tes habitudes séculaires de gagne-petit ! [1]. »

Jusqu’en 1914, l’Université n’a cessé de grandir, si l’on ne tient compte que du développement des constructions et de l’accroissement du nombre des étudiants ; mais, depuis quinze ans, son renom scientifique avait bien décliné. « Il fait bon habiter ici, » disait, en 1872, Arthur Springer, un des premiers professeurs allemands débarqués à Strasbourg. Un an plus tard, Arthur Springer retournait à Leipzig, déconcerté de l’indifférence des Alsaciens, écœuré de l’inintelligence de ses compatriotes. Les autres furent plus patients, se consolèrent entre eux d’être mis au ban de la société alsacienne et restèrent en Alsace. Cependant, peu à peu, la première équipe disparut. Aux illustrations succédèrent des médiocrités. L’Université fut plus que jamais une citadelle du pangermanisme (plusieurs de ses professeurs signeront le manifeste des intellectuels). L’Empereur envoya ses deux fils à Strasbourg, dans l’espoir que tant d’honneur séduirait les Alsaciens et rejaillirait sur l’Université. Les Alsaciens esquissèrent ce sourire narquois dont ils accueillaient toutes les « faveurs » impériales, les professeurs eurent l’aubaine de quelques titres, et l’Université ne s’en porta pas mieux.

Vers la fin de la guerre, l’Allemagne qui sentait la partie perdue et, pour la première fois, songeait sérieusement à concéder un semblant d’autonomie à l’Alsace-Lorraine, était, dit-on, disposée à tenter un grand effort en faveur de l’Université de Strasbourg. La France a pris sa place... et ses charges.


III. — LA FUTURE UNIVERSITÉ

En rentrant à Strasbourg, la France y trouve une tradition de haut savoir qui est en partie son œuvre ; elle y trouve aussi de grands établissements admirablement agencés pour à formation

  1. Lanson, loc. cit.