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Strasbourg. Ce jeune homme de vingt-cinq ans que rien ne désignait pour occuper cette chaire, touchait le prix des accommodements que son père, chef du Centre catholique, venait de négocier avec le gouvernement. Les professeurs protestèrent à l’unanimité ; toutes les Universités d’Allemagne et même d’Autriche s’insurgèrent, Mommsen à leur tête ; mais ces indignations firent long feu ; Martin Spahn resta à Strasbourg, et le tout-puissant directeur de l’enseignement supérieur fut honoré d’un portrait de Guillaume II avec ces mots : « Ce ne sont pas les plus mauvais fruits auxquels s’attaquent les guêpes. » Les guêpes recommencèrent en 1914, quand fut nommé à Strasbourg le professeur Schultze, gendre de ce même fonctionnaire qui, treize ans auparavant, avait reçu la photographie de l’Empereur. Schultze n’en fit pas moins son cours. Décidément un statut, même contresigné de Guillaume Ier, ne suffisait pas à défendre contre les fantaisies de Guillaume II les privilèges de l’Université.

Les dispositions de la loi française sont-elles plus libérales et plus tutélaires que la charte de l’Université allemande ? Nous le croyons, — sans nous faire d’illusions sur leurs lacunes et leurs imperfections.

Liard disait de la loi du 10 juillet 1896, qui constitua les Universités régionales : « Cette loi brève et simple est une date dans l’histoire de notre enseignement supérieur. Elle y marque la fin d’une étape et le commencement d’une autre. » L’étape avait été longue. Les cadres de l’ancienne Université napoléonienne n’avaient été brisés que très lentement. Reconnaissance de la personnalité civile des Facultés, création de Conseils de Facultés, puis d’un Conseil général des Facultés, ces réformes avaient passé successivement dans la loi, après avoir été à demi réalisées dans la pratique ; peu à peu, l’effort opiniâtre de l’administration était venu à bout de la résistance des Chambres. Qui sait si un jour les Français ne reconnaîtront pas que, dans ces cinquante dernières années, les bureaux ont eu, sur bien des choses, des vues plus larges, plus hardies que celles des parlementaires asservis à des intérêts électoraux ?

Aujourd’hui chaque Université française possède la personnalité civile. Elle est gouvernée par un Conseil qui remplit l’office du Sénat, et qui se compose du recteur, des doyens des Facultés et de deux délégués de chaque Faculté désignés par