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ferme de Puisieux et dépassé les objectifs proposés, tant l’ardeur des troupes gagnait à ces heureux « exercices : » le ravin d’Autrèche avait été enlevé et plus de 1 100 prisonniers étaient restés entre nos mains. Le 3 juillet, on avait emporté Saint-Pierre-Aigle et progressé, le 10, dans la forêt de Retz. Ainsi le plateau d’où chars, avions et infanterie devaient, le 18 juillet, s’élancer à l’assaut, était-il ouvert à nos incursions. Mangin préparait sa « petite affaire » avec une satisfaction dont, — j’en fus témoin, — sa confiance se fortifiait encore.

Ailleurs, nous avions éprouvé également la faiblesse nouvelle des Allemands devant une attaque résolue. Le 1er juillet, des forces Franco-américaines avaient attaqué à l’ouest de Château-Thierry et enlevé brillamment le village de Vaux. Le 9, c’était le général Humbert qui, ayant tenté un coup de main dans la région de la Ferme Porte (sud de Ressons-sur-Matz), avait fait 600 prisonniers sans pertes notables. Le 12 juillet, c’était le général Debeney qui, ayant attaqué dans la région de Moreuil, sur le front Castel-Bois du Gros Hêtre, avait atteint tous ses objectifs en raflant plus de 600 hommes. Partout, en Lorraine,^ en Woëvre, des coups de sonde révélaient un amincissement du cordon de troupes et un affaiblissement de la résistance.

En revanche, devant les fronts des 5e et 4e armées françaises, pareils coups de sonde permettaient de constater que les troupes, loin de diminuer, grossissaient. Les Allemands assaillaient âprement le Mont de Bligny, bastion avancé de la Montagne de Reims, comme pour y chercher, eux aussi, un succès d’avant-offensive. Et quand, sur les fronts Berthelot et Gouraud, notre artillerie, fort active, canonnait les arrières immédiats de l’ennemi, elle y déterminait de fréquentes explosions. Il ne fallait pas être grand clerc pour en induire bientôt d’une façon presque certaine, que c’était à l’ouest et à l’est de Reims que se préparait l’offensive suprême des Allemands.


C’était en effet sur cette partie du front qu’après hésitations Ludendorff s’était décidé à jouer sa grande partie. Le sort en était jeté ; c’était bien la bataille pour Paris qui, conçue le soir du 28 mai, prenait le pas sur les opérations pour la Mer. Mais c’était une bataille pour Paris à très large envergure et à grandes étapes. Si, en attaquant à l’ouest de Reims et au nord