Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à cette unique pensée, et Ludendorff, dont les réserves fraîches étaient tombées depuis trois mois de 78 divisions à 43, espérait qu’un maître coup suffirait à l’enlever. Pour l’Allemagne entière, le coup qui se préparait « serait l’assaut pour la paix, » le Friedensturm.

Depuis le milieu de juin, tout se préparait pour cette attaque monstre : canons, tanks, avions, — et les meilleurs corps du kronprinz de Prusse, l’armée von Bœhn à l’Ouest de Reims, l’armée von Below à l’Est. Et comme à la veille du 27 mai, plus même s’il était possible qu’alors, la surprise foudroyante étant l’élément qui décuplerait les forces, toutes les précautions étaient prises pour que fussent voilées à l’ennemi, et la marche des troupes d’assaut vers la région à attaquer, et l’installation des canons. C’était bien sur l’esbrouffe, cette fois encore, que l’on comptait le plus.


Or, depuis la fin de juin, nous étions fixés sur le dessein de notre adversaire, et, dès lors, la surprise devait se retourner contre lui.

Les armées avaient écouté la voix de Foch criant : « Renseignements !... Renseignements !... » Notre aviation, en ces jours d’été, avait pu à loisir survoler le terrain ennemi et les photographies prises avaient révélé la construction de voies ferrées, l’augmentation des terrains d’aviation, la création de dépôts de munitions nouveaux ; des coups de main avaient permis de ramasser des prisonniers qui avaient parlé de l’imminent Friedensturm. L’activité presque nulle de l’artillerie et de l’aviation allemandes sur le front opposé à celui de la 4e armée française n’était plus pour tromper. On connaissait maintenant les ruses de l’adversaire ; on ne se laissait plus prendre à cette affectation de silence et d’inaction.

A la date du 1er juillet, l’État-major de la 4e armée était parfaitement fixé : une bataille devait être envisagée comme certaine sur le front à l’Est de la Suippe. Dès le 2 juillet, Gouraud avait mis les grandes unités au courant de la situation, donnant à chacun sa mission et ses moyens : les commandants de corps multiplieraient sur tout le front les coups de main, qui fourniraient, avec de nouveaux prisonniers, des renseignements plus précis. Il avait été obéi et les prisonniers