Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faits confirmaient tous les jours l’hypothèse envisagée ; l’aviation révélait maintenant que, dans certaines gares, le nombre des wagons avait doublé et même triplé ; les reconnaissances de nuit permettaient de suivre les déplacements, vers le front d’attaque, de troupes auparavant en réserve dans les régions de Sedan, Mézières et Hirson, la constitution de nouveaux dépôts de matériel, la réfection des routes aboutissant aux points d’attaque. Gouraud, fort calme, continuait, de son quartier général de Châlons, à prendre ses mesures, à préciser à chacun son rôle et sa mission ; le 6 juillet, il prescrivait les dispositions à prévoir pour l’heure où l’armée serait alertée.

Le Haut Commandement était, de son côté, depuis le 1er‘juillet, pleinement convaincu. Le 3, Foch reçut à son quartier général de Bombon le général Pétain, qui lui rendait compte des mesures prises pour parer à l’attaque prévue en Champagne, et un échange de notes à ce sujet établissait un accord parfait entre Bombon et Provins. On allait grossir l’armée Gouraud de deux divisions, en renforcer l’artillerie et l’aviation. Prévoyant que la bataille pourrait prendre un grand développement, et que, de ce fait, une attaque ennemie au Nord de la Somme devenait moins probable, Foch invitait, le 11 juillet, Pétain à prélever des unités parmi celles qu’on avait réunies en vue d’une attaque éventuelle en zone britannique et qui, groupées en arrière du front de Champagne, augmenteraient le nombre des divisions susceptibles d’être engagées immédiatement dans la bataille. Il allait plus loin, avertissait Haig qu’il retirait des divisions du groupement français en arrière du front de notre 1re armée ; il l’engageait à attaquer au sud de la Lys, à l’heure où la lutte en Champagne retiendrait et absorberait la majeure partie des réserves allemandes, et lui demandait même quatre divisions sur les réserves britanniques. Mais à Pétain, le 13 juillet, le général en chef écrivait : « La bataille défensive doit viser l’arrêt de la poussée allemande ; cet arrêt est à assurer d’une manière certaine. » La bataille devait être celle de l’Entente contre l’Allemagne : déjà le 2e corps italien (général Albricci) et trois divisions américaines sont à pied d’œuvre ; à ces unités vont s’ajouter le 22e corps britannique à quatre divisions, transporté de la région de la Somme, et cinq autres divisions américaines venues de l’Est. Par ailleurs, les ordres étaient donnés pour que