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Sur le front du 21e corps, l’élan ennemi se brisait de même. Il s’était émietté sur les ouvrages de la première position où la résistance des éléments avancés avait été plus durable encore. Néanmoins, les bataillons allemands s’étaient reformés sous la protection des chars d’assaut que jamais l’ennemi n’avait mis en ligne en tel nombre. Soudain on vit cette vague de fer osciller et se rompre : le cordon d’explosifs sautait sous les chenilles des chars. L’infanterie arriva donc démunie de ce formidable appui. Mais c’étaient les terribles Sturmstrossen et ils livraient le Friedensturm : ils s’acharnèrent ; sept fois repoussés, ils réattaquèrent sept fois la position intermédiaire, laissant à chaque attaque les lambeaux de leur corps déchiré. Le village de Perthes les Hurlus fut pris par eux, repris par nous, reconquis par eux, perdu par eux derechef. Finalement, sur le front du 21e corps comme sur celui du 4e, l’ennemi n’était pas seulement arrêté ; les bataillons, presque entièrement détruits, gisaient en morceaux devant notre. ligne conservée. Et il en était de même devant le 8e corps ; la fameuse Main de Massiges tint si bien, que l’ennemi, après deux attaques, sembla devant elle s’effondrer.

Derrière les bataillons d’assaut, l’armée allemande avait, — tant elle tenait le succès pour assuré, — lancé, sans plus attendre, ses colonnes denses d’exploitation ; elles visaient, derrière les positions hypothétiquement enfoncées, à atteindre dans la soirée même, de Groix-en-Champagne à Tours-sur-Marne, les limites Sud du camp de Châlons, vingt kilomètres en profondeur. Et voici qu’ayant à peine franchi une lieue, elles se heurtaient aux sanglants débris des troupes d’assaut rejetées. Elles y mêlaient bientôt les leurs, car notre artillerie, intensifiant son tir, prenait à partie ces colonnes profondes et en faisaient un massacre sans précédent. Entre notre ancienne première position et la position intermédiaire, on vit alors tourbillonner les colonnes brisées, puis leurs malheureux restes refluer vers les batteries allemandes elles-mêmes aux trois quarts écrasées.

Le 16, cependant, l’ennemi tenta un nouvel assaut : il fut pareillement brisé et, le soir même, Gouraud prescrivait à ses corps d’armée de reconquérir jusqu’à la ligne des réduits la position avancée naguère abandonnée, et l’ordre s’allait exécuter avec une maîtrise qui achevait de faire de cette splendide parade le modèle de l’opération défensive. Le général qui