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avait, de la première minute à la dernière, gardé ce calme grave, cette sérénité un peu mélancolique qui caractérise sa physionomie, reprenait son bien avec la fermeté de main d’un homme qui, pas un moment, n’a pensé réellement le perdre.

L’échec de l’attaque allemande de Reims à l’Argonne était total, absolu, indéniable.


Il était gros de conséquences, nous le savons déjà, car si l’ennemi attaquait au Sud-Ouest de Reims avec la même violence et, nous allons le voir, semblait d’abord y mieux réussir, cette attaque parallèle était d’ores et déjà frappée de vanité ; disons mieux, loin d’avancer ses affaires, elle enferrait l’Allemand. Du moment que la Montagne de Reims n’était pas investie sur ses pentes orientales par l’avance projetée vers Tours et Condé-sur-Marne, le massif boisé se pouvait, même contre les plus vives attaques, défendre sur ses pentes Ouest, et la poussée vers la Marne devenait si aventureuse, que tout autre que Ludendorff eût, le soir du 15, arrêté net toute l’opération.

Mais nous savons qu’il était joueur osé et par ailleurs tout d’une pièce, peu porté à souligner d’un arrêt brusque dans l’attaque un échec si mortifiant, peu apte à changer ses batteries, moins préparé encore par son orgueil à les faire taire subitement devant le monde attentif à cette lutte décisive et qui enregistrerait le geste comme un aveu de défaite du kronprinz de Prusse.

Son excuse était que, franchement malheureuse et même désastreuse pour lui à l’Est de Reims, la journée du 15 juillet avait semblé pleine de résultats à l’Ouest de la montagne de Reims et sur la Marne. Nos armées avaient, en cette région, à défendre non point, comme Gouraud, une ligne depuis près de trois ans assise sur des positions sans cesse fortifiées et un terrain que connaissait, comme son domaine propre, l’armée qui l’occupait : les armées Berthelot et Degoutte se battaient sur des positions improvisées au soir d’une bataille récente, hâtivement améliorées depuis un mois à peine, formant poche et d’un dessin fort irrégulier. Il était beaucoup plus malaisé d’y pratiquer aussi mathématiquement et aussi sûrement la méthode de parade qui venait d’être si merveilleusement appliquée sur le front Gouraud.