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LA RUINE
DE LA
CIVILISATION ANTIQUE

RÉFLEXIONS ET COMPARAISONS

On croit généralement que la civilisation antique s’est éteinte peu à peu après une agonie de plusieurs siècles. Cette opinion n’est nullement conforme à la vérité, du moins en ce qui concerne l’Occident. Au moment où l’empereur Alexandre Sévère fut tué par ses légions révoltées, en l’an 232 de notre ère, la civilisation antique était encore intacte en Europe, en Afrique et en Asie. Au fond de leurs temples, édifiés ou restaurés au cours des derniers siècles, avec toute la magnificence qu’autorisait une prospérité croissante, les dieux du polythéisme grec et romain et les dieux indigènes, hellénisés ou romanisés, des provinces qui n’étaient ni grecques, ni latines, veillaient sur l’ordre social de tout l’Empire. Du sein fécond du polythéisme était même né, pendant les deux derniers siècles ; un culte nouveau, le culte de Rome et d’Auguste, qui symbolisait encore, au début du IIIe siècle, des bords du Rhin à ceux de l’Euphrate, la majestueuse unité de l’Empire. Sorte de mixture cosmopolite, épaisse et colorée, d’hellénisme, de romanisme et d’orientalisme, une civilisation brillante et superficielle s’étendait, comme un vernis de prix sur une faïence rustique, sur tout l’Empire.

Deux aristocraties, l’une impériale qui résidait à Rome,