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de l’État moderne, Pourtant l’Empire romain se différencie de la véritable monarchie ancienne ou moderne parce qu’il n’a jamais reconnu, jusqu’à Septime Sévère, le principe dynastique ou héréditaire comme la base de son organisation.

L’empereur n’acquiert ses pouvoirs que grâce à une élection, comme les magistrats républicains : la parenté et la naissance n’ont jamais été considérées comme des titres légitimes de son autorité. Il est vrai qu’à plusieurs reprises une même famille détint le pouvoir pendant plusieurs générations, mais ce fut, toujours pour des raisons de fait et non de droit. Dans tous les cas l’historien peut retracer ces raisons de fait. Cette différence suffirait à nous faire conclure que jusqu’à Septime Sévère, l’Empire ne fut pas une monarchie absolue, sans qu’on puisse non plus l’appeler une république. Ce fut un régime intermédiaire entre l’un et l’autre principe ; et ce caractère incertain a été pour lui une cause de faiblesse que les historiens ont trop négligé d’étudier mais qui a exercé la plus grande influence sur les destinées de la civilisation gréco-latine.

Dans tout système politique fondé non sur l’hérédité, mais sur le choix, le grand problème est de trouver un système d’élection qui empêche le principe électif d’être faussé dans son application par la fraude ou par la violence. Pour des raisons nombreuses qu’il serait trop long d’examiner, ici, mais dont les principales découlent justement du caractère incertain de l’autorité impériale, Rome ne parvint pas à fixer les règles de l’élection impériale de telle sorte que toute hésitation dans la procédure fût impossible, et les tentations de fraude et de violence écartées. En principe, l’empereur devait être élu par le peuple romain dans les comices. Cela est si vrai que le pouvoir lui était conféré par une lex de imperio dont nous pouvons affirmer qu’au moins jusqu’à Vespasien, elle fut soumise aux comices et formellement approuvée par eux. Mais nous savons aussi que sous l’Empire les comices n’étaient plus qu’une fiction constitutionnelle et qu’en votant la Iex de imperio ils ne faisaient que sanctionner le texte du Sénatus-consulte par lequel le Sénat avait conféré le pouvoir à l’empereur. Le corps qui légitimait effectivement l’autorité de l’empereur en lui conférant le pouvoir constitutionnel, était donc le Sénat. Le Sénat aurait dû par conséquent choisir aussi l’empereur, auquel il pouvait conférer les pouvoirs légaux. Mais pour différentes raisons d’ordre politique