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pourtant qu’une dizaine d’hommes passablement obscurs qui peut-être en formaient l’État-Major, à moins qu’ils ne fussent l’armée elle-même.

Il faut dire brièvement ceux qu’on a identifiés : Rigomer Bazin, auteur des Lettres philosophiques, — quelques pages, — professeur maintenant à temps perdu, avait fait de l’agitation anarchique dans le Jura, de l’an IV à l’an VII. Lemare, jadis président du département du Jura, avait, au 31 mai, fait déclarer son administration en faveur des Girondins proscrits, et au 18 Brumaire, « il avait dénoncé par des proclamations terribles l’usurpateur de tous les droits. » Puis il s’était consacré à l’enseignement de la grammaire ; il avait épousé sa bonne et il avait fondé quai de la Monnaie, no 3, un Athénée de la jeunesse dont la prospérité était contestable ; Philippe Corneille, qui avait été « le premier magistrat de la ville de Dole, était venu à Paris pour solliciter » en vers, une place de préfet ou de conseiller d’État. La place se faisant attendre, il causait. Gariot, jacobin convaincu, était un franc luron, établi quincaillier rue Saint-Martin, no 116, et buvait sec. Gindre, médecin à Chilly, ancien administrateur du Jura, avait, avec Lemare, mis Bonaparte hors la loi en brumaire. Baudement, jardinier, puis soldat, actuellement chef des bureaux de la mairie du 1er arrondissement, était un « patriote rectiligne. » Eve Demaillot, dôlois comme Malet, se disant élève en diplomatie du célèbre Favier, indiscret, agité, faisant part au premier venu des nouvelles qu’il tient autant de son imagination que de l’ironie des passants, est un agité qui touche à la démence, le maniaque de la Terreur. Blanchet, de même âge que Demaillot, a consacré un vague talent de dessinateur à reproduire les traits des martyrs de la Liberté ; il a été fort avant dans la confiance des Jacobins et des Babouvistes. Liébaud, qui est de Salins, s’est établi jurisconsulte à Paris, rue du Four-Saint-Germain, no 17. Il s’empresse à adresser des conseils à Bonaparte qui ne lui répond pas. « On ne peut rien faire de Bonaparte, « dit-il. Des deux Ricord, l’aîné, Jean-François, a conservé de la Révolution une clientèle à laquelle il parle en patron. Son frère Alexandre, qui se fit au 10 août une sorte de réputation dans le bataillon marseillais, est à présent agent d’affaires, rue de la Victoire, et prétend ne plus faire de politique. Le docteur Seiffert, né à Leipzig, médecin jadis du duc d’Orléans, fort occupé de