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(A. E. F.) ont été parfois appelées les Indes Noires de la France Ce nom est trop ambitieux, car il y a loin des 15 à 20 millions tout au plus de leurs habitants, aux 300 millions de la grande « dépendance » britannique ; néanmoins, nous avons là, très près de l’Europe, un vaste territoire de climat tropical, peuplé de races déjà dégrossies, riche de ressources très diverses, et dont l’exploitation sera une de nos forces nationales de demain.

Une date fut marquée dans l’histoire de notre vieux Sénégal, au milieu du XIXe siècle, quand des commerçants bordelais propagèrent parmi les indigènes une culture, celle des arachides ; nos Échelles d’Afrique n’avaient guère fait auparavant, que des transactions fondées sur la cueillette, — forme d’économie destructive de laquelle relevait la traite des gommes, et jadis, celle des esclaves. Petit à petit, dès lors l’indigène a recherché la propriété du sol, car il était sûr de vendre le produit de son travail ; ainsi le chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, inauguré en 1885, a peuplé de villages nouveaux tout le Cayor ; une bande de colonisation agricole se dessine de même aujourd’hui le long du rail qui monte de Thiès vers Kayes. En Afrique Équatoriale, après une période d’exploitation superficielle de l’ivoire et du caoutchouc, nous avons passé aussi à la période de plantation ; déjà nous avons récolté du caoutchouc de culture. C’est ce mouvement d’aménagement reproductif des ressources naturelles avec le concours des indigènes qu’il convient d’accélérer aujourd’hui.

En 1913, les deux tiers de l’exportation de l’A. O. F. étaient constitués par les oléagineux (arachides, amandes et huile de palme). La paralysie des transports maritimes a failli compromettre un essor déjà brillant ; le Gouvernement, pour conserver la confiance des indigènes, a acquis des stocks dont il ne pouvait assurer l’évacuation au delà des ports : des quantités notables ont été ainsi gâchées. Depuis l’armistice, les magasins ont été quelque peu dégagés, mais on est loin encore d’avoir rétabli des conditions normales. Les Allemands, alors qu’ils préparaient le conflit, étaient venus enlever au Sénégal d’immenses chargements d’arachides, afin de créer chez eux des réserves de matières grasses : ils commençaient à imprimer des habitudes au commerce local. La prolongation des hostilités a finalement déjoué les calculs de leur prévoyance, mais la France doit rechercher sur son propre territoire des acheteurs