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ou des caoutchoucs : la section coloniale du Muséum, le Jardin colonial de Nogent ont rendu de notables services. Mais nous n’avons nulle part, ni à Paris, ni dans nos ports, vestibules des colonies, des instituts largement dotés, pour des travaux vraiment féconds ; celui d’Indo-Chine est né d’hier. Volontiers on accuserait nos professeurs de mendicité lorsqu’ils réclament de quoi travailler pour servir avec leur dévouement coutumier les intérêts nationaux les plus évidents. Parfois, dans les colonies mêmes, la science parait indifférente, sinon .suspecte, à l’administration. On ose à peine évoquer la somptueuse installation de Buitenzorg, dans les Indes Néerlandaises, ou celle qu’avait dirigée le docteur Osvaldo Cruz dans la baie de Rio-de-Janeiro, en face de l’indigence de nos jardins coloniaux, sans crédits, sans laboratoires, variétés humiliées des squares municipaux. Or nous n’avons pas une minute à perdre, pour faire de nos colonies des collaboratrices de notre reconstitution nationale.

Aussi bien est-ce une œuvre de haute prévoyance à entreprendre et qui requerra l’action prolongée de véritables hommes d’État. Ce n’est pas assez de comprendre ce que nos colonies peuvent, sur leurs ressources propres, ajouter de vigueur à notre organisme national. Le jeu complet de ces activités associées suppose que nous poursuivrons l’éducation de nos indigènes suivant des programmes rajeunis, aussi variés qu’eux-mêmes, que nous réorganiserons des transports terrestres et maritimes assouplis à servir les échanges. Il exige aussi que, dans les délicates conversations qui se poursuivent aujourd’hui pour définir les nouvelles conventions économiques substituées aux accords dénoncés, nos négociateurs sachent toujours parler au nom de la France intégrale, qui réunit les colonies à la métropole. On peut concevoir que des produits coloniaux dont nous possédons plus que notre consommation, minerais, oléagineux, etc., aideraient à l’amortissement de dettes de guerre contractées vis-à-vis de certains de nos Alliés. Relevons à ce titre comme une indication des plus notables, la récente rencontre à Paris, sous les auspices de l’Union Coloniale Française, de représentants des intérêts ouest-africains de l’Angleterre et de la France. Le monde est trop petit maintenant pour per- mettre à quiconque de se complaire dans un splendide isolement.


HENRI LORIN.