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mineure, une ombre de mélancolie. Troisième strophe : « Tout à coup, détaché des cieux. » Le chant s’anime, s’échauffe, puis s’attendrit.


Un rayon de l’astre nocturne,
Glissant sur mon front taciturne,
Vient mollement toucher mes yeux.


Molle, glissant elle aussi comme le rayon, la mélodie alors effleure les mots, les caresse, et quand à la fin, ayant décrit sa courbe entière, elle descend, elle tombe, c’est d’une chute, ou d’une cadence, qu’on peut vraiment, et sans ironie, qualifier de « jolie, amoureuse, admirable. »

Le prélude du Soir est régulier et paisible. Le dessin de la première mesure se reproduit, un peu plus haut, à la troisième, et cette répétition, ou ce report, apparaît déjà comme un des signes où se reconnaîtra toujours la pensée et l’écriture de Gounod. Tout autre est le début du Vallon : accords frappés rudement, basses opiniâtres et sombres ; au-dessus, une morne plainte, qui commence à la manière d’un récitatif, mais bientôt s’épanouit en cantilène. Puis un trait de piano s’élève, s’élance ; une sorte de fusée, brillante et pathétique, sillonne l’espace, l’illumine, et l’ouvre, pour ainsi dire, au véritable chant, qui maintenant se déploie. Aussi noble, aussi pure que celle du Soir, la musique du Vallon est plus diverse. Elle fait d’abord une part, nous venons de le montrer, à d’autres éléments, à d’autres forces sonores que la seule mélodie. Mais celle-ci bientôt règne seule. Elle règne partout et l’accompagnement lui-même vient ajouter un chant, non moins ému, non moins tendre, au chant de la voix. « Pour le sentiment, c’est un jeune homme qui... » Du jeune Gounod on pouvait aussi le dire. Et le sentiment dont son cœur de vingt ans débordait, il savait l’enfermer en des formes précises, arrêtées, classiques, en des strophes où les deux modes musicaux, le mineur et le majeur, se suivent, comme font le désespoir et l’espérance dans la poésie du poète et dans son âme, désolée et consolée tour à tour.

Le Soir, le Vallon, mélodies fraternelles, sœurs exquises, couple délicieux ! Une autre, longtemps après, devait leur répondre, lamartinienne également, et belle, autant que ses aînées, de mélancolie et d’amour. Elle porte ce titre : Au Rossignol.