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Elle a pour mesure poétique la strophe de quatre vers de huit syllabes, celle même du Soir.


Quand ta voix céleste prélude
Au silence des belles nuits,
Barde ailé de ma solitude,
Tu ne. sais pas que je te suis.


Comme dans le Soir également, la musique enveloppe trois de ces strophes en une seule et par là donne à la poésie une ampleur qu’on ne lui connaissait pas. Et surtout de quelle tendresse elle la pénètre, l’inonde ! Il faudrait être l’homme dont Shakspeare a parlé, « qui n’a pas de musique en lui, » pour demeurer insensible au mystère, au miracle de la transfiguration du verbe par le son, pour ne pas trouver à ce peu de paroles, à ce peu de notes : « Barde ailé de ma solitude,  » des accents, comme dit Shakspeare encore, « d’une douceur mourante, » et qui fondent le cœur. Elle a laissé, la mélodie enchanteresse, elle a laissé dans ma mémoire un écho déjà lointain, mais toujours fidèle. « Tu ne sais pas, » chantait jadis une voix de femme, voix sans pareille, que le deuil d’un fils héroïque, depuis, a brisée :


Tu ne sais pas que mon haleine
Sur mes lèvres n’ose passer,
Que mon pied muet foule à peine
La feuille qu’il craint de froisser.


J’ai retenu la moindre intonation. Je crois entendre chaque souffle, chaque soupir, et tel mot, telle syllabe même, dont la résonance étrangement profonde semblait trahir comme une crainte religieuse, une émotion sacrée, devant le mystère, plus profond encore, du chant de Philomèle dans le silence de la nuit.

Entre toutes les mélodies de Gounod, voilà peut-être les trois plus belles. Mais combien d’autres, tout autres, celles-là vives et légères, méritent de ne point périr ! Ce sont les deux Chansons du Printemps, semblables par la verve, la chaleur et la joie, et par ailleurs si diverses : l’une, qu’un frémissement perpétuel enveloppe ; l’autre, pressée et comme fouettée par des arpèges impétueux. Il en est qui, dès le début, et rien qu’au début, répandent on ne sait quelle douceur secrète. (« L’aube