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naît et ta porte est close. ») On en citerait plus d’une, tout entière délicieuse : ainsi la fameuse sérénade : « Chantez, dormez, ma belle, » de Victor Hugo. « Quel homme élégant, ce Berlioz ! » disait Gounod un jour. Comment ne pas le dire de Gounod lui-même, peut-être surtout de Gounod, quand on pense à cette svelte mélodie, à la coupe de ce rythme, au tour et je dirais presque à la tournure de la vocalise par où chacune de ces strophes s’achève.

N’allons pas surtout oublier le petit chef-d’œuvre qu’est Venise, la Venise de Musset, ou peu s’en faut. Ce peu, qui est encore trop, consiste en quelques vers transposés, « corrigés, » et même ajoutés. Mais l’esprit, ou l’âme, de Musset, de Musset à Venise, ou revenu de Venise, nous parait, — est-ce une illusion littéraire ? — inspirer la mélancolique barcarolle. Elle évoque même d’autres vers que ceux qu’elle chante. Après vingt ans, Alfred écrivait encore à son fière revenant d’Italie ;


……………..
Ci-gît Venise.

Là mon pauvre cœur est resté.
S’il doit m’en être rapporté,
Dieu le conduise !

Mon pauvre cœur, l’as-tu trouvé
Sur le chemin, sous un pavé,
Au fond d’un verre ?

…………………..

L’as-tu vu sur les fleurs des prés,
Ou sur les raisins empourprés
D’une tonnelle ?

……………………

L’as-tu trouvé, tout en lambeaux.
Sur la rive où sont les tombeaux ?
Il y doit être.

Je ne sais qui l’y cherchera,
Mais je crois bien qu’on ne pourra
L’y reconnaitre.


A notre tour, ici nous le cherchons, ce pauvre cœur, et nous croyons l’y trouver. Ainsi le charme triste de cette musique est un peu fait du souvenir d’une illustre douleur. Mais il ne tient pas moins aux divers éléments de la musique elle-même :