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Il y a en nous, vagabonde comme un papillon voltigeant à la surface de notre âme profonde, une animula, un minuscule esprit joyeux qui souvent nous séduit [1]... » Eh bien ! ce qui chantait sur la mandoline de l’adolescent d’autrefois, ce n’est que l’animula de Rome, de Florence et de Venise, mais nous aimons encore de l’entendre chanter. Aussi bien « notre âme profonde » ne saurait être insensible au lamento signalé tout à l’heure, pas plus qu’à certaine chanson de Françoise de Rimini. Et nous goûtons enfin, pour leur charme intime, les Mélodies écossaises, surtout le Rouet, dont l’accompagnement, aux harmonies originales et subtiles, a vraiment introduit dans une chanson de fileuse un murmure, un frisson nouveau.



Que l’heure est donc brève
Qu’on passe en aimant !
C’est moins qu’un moment,
Un peu plus qu’un rêve.


« Dans le demi-jour du grand salon en tenue d’été, rempli de fleurs, le lampas des meubles recouvert de housses blanches, lustres voilés, stores baissés, fenêtres ouvertes, Mme Jenkins, assise au piano, déchiffre la mélodie nouvelle du musicien à la mode ; quelques phrases sonores accompagnant des vers exquis, un lied mélancolique, inégalement coupé, qui semble écrit pour les tendres gravités de sa voix et l’état inquiet de son âme.


Le temps nous enlève
Notre enchantement,


soupire la pauvre femme, s’émouvant au son de sa plainte.. »

« Elle travaillait constamment, passait ses après-midi à feuilleter les nouveautés, s’attachant de préférence aux harmonies tristes et compliquées, à cette musique moderne qui... répond bien plus à nos nervosités, à nos inquiétudes, qu’à nos sentiments. »

Impossible de mieux donner que ne le fait cette page du Nabab, l’impression, presque la sensation même que produit l’une des plus pénétrantes et des plus personnelles entre les

  1. Le Feu.