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quel personnage de comédie : « Je n’ai pas de remords, puisque je me repens. »

Verlaine souhaitait « de la musique avant toute chose, » et la musique a comblé son vœu. Dans la manière de Massenet, M. Reynaldo Hahn a fait des Chansons grises un album de quelques mélodies si légères, si vaporeuses et fugitives, qu’en musique même, ainsi qu’en poésie, elles sont à peine des « impressions. »


Je subtiliserais un morceau de matière.
Que l’on ne pourrait plus concevoir sans effort,
Quintessence d’atome, extrait de la lumière [1].


C’est à cela que, dans l’ordre des sons, le musicien raffiné des Sanglots longs des violons, de l’Heure exquise et de l’Allée sans fin a réussi. Après quoi, par crainte peut-être de raffiner davantage, et pour se raffermir, il a écrit les Études latines. L’esprit et le style en est tout différent, et même opposé : franc, vigoureux, tantôt lyrique avec éclat, tantôt élégiaque sans faiblesse, tel enfin que nous concevons, d’après l’antique, le sentiment ou l’éthos apollinien. Néére et Pholoé, Tyndaris et Lydé, Lydé surtout, ce beau vocero bachique, musique de grand soleil ou de clair de lune, il ferait bon les emporter, ces mélodies latines, au pays qui leur ressemble, et là, comme naguère, une flûte, avec une harpe, accompagneraient la voix.

Une telle musique n’est pas la seule qui dans le temps et l’espace emmène au loin la pensée ou la rêverie. Notre « mélodie » française prend toutes les formes. Pas un mode du lyrisme ne lui est étranger. Comme ses « Méditations », ses « Harmonies » et ses « Recueillements », comme ses « Contemplations » et ses « Voix intérieures, » elle a, — bien que plus rares, —ses « Orientales » aussi. L’on ne saurait guère trouver d’exotique à la Medjé de Gounod que son nom. Les Adieux de l’hôtesse arabe, de Bizet, doivent à la monotonie du rythme, à la langueur de la cantilène, à la vocalise finale, un peu plus de cette couleur qu’on appelle locale, sans que d’ailleurs il soit très facile d’en déterminer le lieu. C’est de ce lieu, de ces lieux très vagues, « l’Orient, » que les Mélodies persanes de M. Saint-Saëns (la Solitaire, au Cimetière, et deux ou trois encore) nous donnent

  1. La Fontaine, fables ; X, 1. (Discours à Mme de la Sablière.)