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Mais quand l’Astre, incliné sur sa courbe éclatante,
Verra ses ardeurs s’apaiser,
Que Ion plus beau sourire et ton meilleur baiser
Me récompense de l’attente.


Bucolique charmante, cette gracieuse invitation, non plus au voyage, mais au repos d’abord, ensuite à l’amour, n’est guère autre chose. Que s’il était possible de citer, après la poésie, la musique, on verrait aussitôt, non pas apparaître, mais éclater la différence, et tout un ordre nouveau, tout un monde, autrement vaste, autrement varié, s’ouvrir. Les diverses puissances de la musique s’unissent pour lui donner le mouvement et la vie. Par l’ampleur autant que par la richesse, le rythme d’abord, le rythme des sons, surpasse infiniment le rythme des vers. Il divise les strophes, pareilles en périodes inégales par la coupe métrique et par la durée. L’harmonie à son tour colore de teintes changeantes les paysages qui se succèdent, tandis que la symphonie, elle aussi mouvante, en renouvelle constamment les formes. Quant à ces trois mots : « Repose, ô Phidylé, » la musique, les répétant de place en place, en a fait chaque fois, la dernière surtout, une halte délicieuse, un reposoir sonore. Elle semble elle-même s’y reposer et s’y complaire longuement, ne chantant qu’à voix basse, attentive et comme suspendue aux échos prolongés de sa mourante voix. Mais quand vient la strophe dernière, cette voix se ranime et surgit soudain du silence. Qui donc est Phidylé ? Nymphe sans doute, et peut-être déesse, tellement on croit voir ici quelque Vénus du Titien ou l’Antiope du Corrège, éveillée tout à coup, se lever. Et ce n’est pas seulement la voix, c’est la musique entière qui se lève et s’élève. De quel élan et jusqu’à quelle hauteur ! « Tu fais cela, musique, » s’écriait Shakspeare un jour, après avoir dénombré ses miracles. Et nous, nous admirons la musique, la nôtre, qui fait d’un appel aimable, une des plus pathétiques et des plus grandioses parmi les innombrables invocations d’amour.

Là enfin, même là, quoique le sentiment et la passion y monte à son faite, là comme dans l’Invitation au voyage, « là (out n’est qu’ordre et beauté. » Quelle que soit la nouveauté, la richesse de cet art, l’ordre le régit, l’ordre le préserve de l’excès et de l’écart. Jamais rien, fût-ce les plus libres modulations, les harmonies les plus audacieuses, n’altère dans les chefs-d’œuvre français d’un Fauré, d’un Duparc, ce que