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aventure ! Une puissante et suggestive image de Kipling s’offre à nous : « Cette guerre est semblable à un de ces icebergs monstrueux dont nous n’apercevons qu’à peine un huitième au-dessus des eaux, tandis que leur masse demeure ensevelie dans les profondeurs. » Ce sont les sondages faits dans une faible partie de cette masse inexplorée que nous allons essayer de décrire. Ne nous excusons pas sur le caractère souvent technique de notre étude. Dans la rédaction des programmes scolaires et dans les emplois du temps les plus graves questions sociales sont engagées.

« Hier, racontait-on, il y a quelques mois, ici même, dans la cour de la gare, une paysanne, avec sa carriole, attendait son homme. Il arrive, coiffé du casque, s’appuyant sur le bâton grossier des tranchées. Embrassades, effusions, d’ailleurs courtes. L’homme monte sur la carriole, et lui, que je connais grand amateur de chevaux, habile à les conduire, modestement se place à gauche, cependant que la femme, raide, cambrée, saisit les rênes, et d’un large coup de fouet enlève l’attelage sous des regards qu’elle sent admiratifs. » — Ce récit alerte est expressif d’un moment de notre histoire morale. Ce qui s’est passé à la campagne s’est passé ailleurs, où des femmes ont mené des affaires comme d’autres mènent un attelage. Exprime-t-il aussi un idéal définitif ? La paysanne gasconne du Dr Labat est-elle la femme de demain ? Ou bien qu’est-ce que celle-ci devra retenir, qu’est-ce qu’elle devra oublier des besognes imposées par la guerre ? Et qu’est-ce qui doit survivre de l’éducation traditionnelle de la femme ?


VOCATIONS NOUVELLES

Dans la société d’hier, les carrières féminines semblaient être, au moins en principe, celles où la femme ne faisait qu’étendre et développer les occupations familiales, la couture, le blanchissage par exemple, celles qui laissaient la femme chez elle et l’attachaient même à son foyer. Aux hommes les tâches extérieures, lointaines, comme, dans les temps reculés, la chasse et la guerre. Sous une forme moins barbare, l’homme continue à aller chercher hors de la maison la nourriture qu’il y rapporte. De cette répartition séculaire des fonctions la famille française, pour ne parler que d’elle, a longtemps vécu.