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Elle fabrique des porcelaines, des faïences et, dans certaines usines, même le verre. Elle a fait les besognes les plus rudes ; elle a fait aussi les plus délicates et les plus précises qui demandaient, croyait-on, un plus long apprentissage. Elle a fabriqué, à Nancy et à Lyon, des compas et, à Paris, des lampes électriques. Elle a fait ce qu’il semblait possible, et aussi ce qu’il semblait impossible qu’elle fit.

Le rôle qu’elle joue dans l’industrie des transports éclate aux yeux en notes quelquefois gaies, plus souvent tristes. Car un calot bien planté sur une jeune chevelure n’empêche pas de voir que les corps s’usent et que les traits se tirent. D’abord, telle compagnie de tramways offrit des services allégés aux femmes de ses employés mobilisés, et fut récompensée de ce bon mouvement par la qualité des services rendus. L’idée vint alors de s’adresser à d’autres femmes, et aussi de leur confier des services plus difficiles : de receveuse, la femme devint wattwoman. Dans les chemins de fer qui perdirent, le jour de la mobilisation, le quart et plus de leur personnel, en même temps qu’on leur demandait une utilisation plus intense des réseaux, les femmes d’abord employées dans les bureaux ou derrière les guichets, puis au nettoyage des wagons, se répandirent peu à peu dans tous les emplois. On les voit aujourd’hui, factrices et femmes d’équipe, pousser la brouette de fer, remuer les colis les plus lourds et prendre les valises des mains des voyageurs qui parfois, quand ils sont de l’autre sexe, en ressentent quelque gêne. On voit des femmes enfin sur les quais et les docks de nos grands ports. Ce sont les femmes fortes, dans un autre sens peut-être que celui de l’Evangile.

Les voici maintenant à l’usine de guerre. On en comptait 420 000 il y a quelque temps déjà. Combien étaient-elles hier ? Et là aussi, en même temps que croissait leur nombre, croissait l’effort demandé à chacune d’elles. Des petits obus on était passé aux gros, grâce sans doute à des combinaisons de travail où intervenait de temps en temps la vigueur plus grande de l’homme, grâce ensuite à des mécanismes appropriés qui vinrent au secours de la faiblesse féminine. De l’emboutissage et du tréfilage des obus de 75, puis de 105, la main-d’œuvre féminine s’était étendue aux mêmes opérations pour les obus de 220. Et ces renseignements retardent sans doute. L’ordre était venu de « féminiser » de plus en plus les services, et les