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ouvriers mobilisés avaient été formellement exclus de tâches dont la liste est longue. Un monopole féminin fut ainsi établi là où le travail de la femme eût semblé, il y a peu de temps, un paradoxe. On alla si loin que, sinon une réaction, du moins des précautions et des réglementations s’imposèrent. Un comité du travail féminin fut institué, comité de patronage matériel et moral. Et une circulaire publiée dans le Bulletin des usines de guerre, le 16 juillet 1917, et signée Albert Thomas, posait ce principe : « Disposer sans réserve, même dans les circonstances actuelles, de la main-d’œuvre féminine, serait commettre une lourde erreur ; l’intérêt national exige qu’elle soit utilisée raisonnablement et avec de grands ménagements, car elle présente une réserve d’avenir qui doit être sauvegardée dans son intégrité. » La limite s’était fait sentir, à laquelle nous nous heurterons, de quelque travail féminin qu’il s’agisse, aussitôt que la femme paraît oublier, ou qu’on parait oublier pour elle, qu’elle est femme et qu’au sort qu’on lui fait est lié l’avenir même de la race.

Il nous restait à introduire la femme dans la caserne. La chose fut faite. L’expérience semble avoir d’abord été tentée à Caen. Le personnel des ouvriers, commis, cuisiniers et infirmiers fut remplacé par des femmes. La réforme généralisée rendit 40 000 hommes aux armées, et la soupe y gagna en qualité, pour ne parler que de la soupe. L’Angleterre eut de même son armée de femmes pour les services auxiliaires : « Women’s Army Auxiliary Corps. » On les appela les Waacs. Et de même les États-Unis, où des femmes ont été sergents recruteurs, où beaucoup portent l’uniforme.

Nous sommes dans l’extraordinaire et dans le provisoire. Mais ce provisoire a duré ; mais on s’est habitué à cet extraordinaire ; on ne s’étonne plus, et des mœurs nouvelles naissent. Ces mœurs, à notre époque démocratique, ne s’enferment pas dans une seule classe sociale. Le travail féminin gagne de proche en proche. Il devient un besoin général, il devient une loi. Il y a du travail pour toutes les conditions, pour tous les degrés d’éducation.


Si nous avons commencé par les plus humbles, c’est parce que, en fait, c’est d’en bas que le mouvement est parti, comme