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une presse pédagogique sort de terre. Des questions sont ardemment discutées, qui ne sont pas encore toutes des questions résolues : quelle doit être la participation des hommes à l’éducation féminine ? Quelle place laisser, dans cette éducation, à l’initiative privée qui risque de devenir la spéculation privée, et aux organismes d’Etat ? Quel doit en être le fond même et le sens, et en quoi doit-elle différer de l’éducation que les garçons reçoivent ? On aspire, à la fin du gouvernement de Juillet, à une organisation officielle. Le mot de collèges de jeunes filles est prononcé. La république de 1848 vint. On crut qu’elle allait donner cette réglementation. — Elle donna la loi de 1850.

Cette loi, un peu simpliste, conférait au brevet de capacité au brevet simple, comme on dit, ou même à la lettre d’obédience le droit de tout enseigner. La hiérarchie lentement et progressivement édifiée est dès lors brisée, et le secondaire, en ce qui concerne les jeunes filles, plonge de nouveau dans le primaire. Cela fut-il voulu ? En tout cas, nous voyons quelles peuvent être les conséquences d’une mesure en apparence innocente, et d’une sanction trop libéralement accordée à un grade insuffisant. De grands effets peuvent naître, dans le monde moral, de petites causes ; et nous retrouverons, dans l’histoire plus récente de l’enseignement des jeunes filles, cette disproportion des causes et des effets. Il fallut donc refaire le chemin déjà fait, et remonter la pente brusquement descendue. Mais, comme les couvents avaient surtout profité de la loi de 1850, toutes les mesures prises paraîtront des mesures prises contre eux ; et l’enseignement secondaire des jeunes filles, histoire souvent répétée chez nous, sera engagé dans des querelles au-dessus desquelles on eût pu espérer le voir demeurer. En 1867 est fondée, à Paris, l’association pour l’enseignement secondaire des jeunes filles. L’année suivante, des cours dits secondaires s’ouvrent dans cette même ville. En deux ans, plus de cinquante s’ouvrent en province. L’impulsion était donnée par le grand ministre Victor Duruy.

La guerre de 1870 interrompit ce mouvement commencé : l’éducation des jeunes filles subit ainsi le contre-coup des grands événements du siècle. Mais, après la guerre, elle bénéficie du sentiment unanime qui réclamait une rénovation de toute l’éducation nationale.