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On ne se contente plus des cours secondaires, qui empruntaient leur personnel enseignant aux établissements de garçons et qui apparaissaient comme des organismes de transition, quoique quelques-uns survivent encore. L’ambition vint de tout un système. C’est alors que M. Camille Sée déposa son projet de loi. La discussion fut vive : on ne se disputait rien de moins, disait-on, que l’âme des femmes. Les adversaires, tant à la Chambre qu’au Sénat, étaient dignes les uns des autres : d’un côté, avec M. Camille Sée, Paul Bert, Chalamet, Henri Martin, Paul Broca et le ministre Jules Ferry ; de l’autre, Keller, Chesnelong, le duc de Broglie. La loi se fit modeste pour se faire accepter. Encore ne fut-elle votée au Sénat qu’à une faible majorité. Elle fut promulguée le 21 décembre 1880. Le conseil supérieur de l’Instruction publique, qui eut à traduire en règlements les prescriptions de la loi, sembla prendre à tâche de désarmer les objections qui subsistaient et de conquérir peu à peu l’opinion. M. Camille Sée lui reprochera plus tard ces timidités. Cinq années d’enseignement secondaire seulement furent organisées, dont les deux dernières, par l’introduction de cours facultatifs, risquaient de n’apporter aux esprits qu’une discipline un peu lâche et qui semblait douter d’elle-même, puisqu’elle proposait sans imposer. En fait, ces cinq années firent bientôt bloc. En 1881, l’École de Sèvres était fondée, qui devait former le personnel enseignant. L’enseignement secondaire des jeunes filles existe enfin.

Il entra dans les mœurs, et, pour mieux y entrer, s’accommoda aux exigences de la pratique. Sans violer la loi, on lui fit rendre même ce qu’elle n’avait pas promis. De cette accommodation sortit un état de choses qui dura plus de trente ans et qui, jusqu’à hier, semblait devoir durer longtemps encore. La loi avait sacrifié les internats, comme on jette du lest. Les adversaires de la loi comptaient que ce sacrifice la rendrait inefficace ; et les adversaires de l’internat en soi, pour les garçons comme pour les filles, qui étaient alors nombreux et écoutés, avaient accepté de courir ce risque par amour des principes. Mais on avait autorisé les municipalités à fonder des internats à côté des lycées. Elles profitèrent si bien de l’autorisation qu’il faut presque être de la partie pour savoir que les