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lycées de jeunes filles n’ont pas d’internats, tout en en ayant. Les cinq années d’enseignement secondaire restaient en l’air, devant succéder à un enseignement primaire que la loi de 1880 ignorait, et que les élèves iraient par suite chercher dans des maisons qui feraient tout pour les garder. En fait, des classes primaires furent annexées, dans les lycées même, à l’enseignement secondaire. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elles auraient pu être mieux orientées vers ce qui devait suivre, et qu’on aurait dû tenir plus grand compte d’elles dans la répartition des matières de l’enseignement. Mais la continuité de la direction, l’unité de la maison où les empreintes se prennent étaient assurées.

Le programme fut rédigé avec amour. De légères retouches, apportées surtout en 1897, n’en altérèrent point le caractère. C’est un programme délibérément féminin. L’économie domestique, l’hygiène, le droit usuel, autrefois réclamé pour les jeunes filles par Fénelon, la lecture à haute voix, sans parler des travaux à l’aiguille, accentuent ce caractère. La psychologie n’apparait qu’en tant qu’elle s’applique à l’éducation. Le goût des langues et des littératures modernes est stimulé. On donnera des clartés aussi sur les littératures anciennes, mais au travers de traductions. Cependant on évite de féminiser à l’excès ces programmes, et on reconnaît en eux le sens de la mesure dont quelques-uns de leurs rédacteurs avaient reçu le don. M. Camille Sée reprochera même aux programmes d’histoire de ne pas insister assez sur le rôle des femmes, thèse que nous verrons reparaître, mais tendance dangereuse, si on l’exagère : car on risquerait de faire apparaître deux histoires, alors qu’il n’y en a qu’une où l’action des deux sexes s’entrelace et se fond. De même il n’y a qu’une science, et les jeunes filles y ont droit. On évita les gentillesses et comme les excuses dont quelques professeurs, dans les cours de jeunes filles, avaient entouré leurs démonstrations et leurs expériences. La part faite aux sciences peut paraître insuffisante en comparaison des exigences d’aujourd’hui. Mais ces exigences, qui grandissent chaque jour, comme la science progresse, et même un peu plus, n’étaient pas, en 1882 ce qu’elles sont devenues depuis. Et, à l’heure où ils furent rédigés, ce fut une audace de faire entrer dans les programmes féminins autant de science qu’on en mit, et de la présenter dans sa belle et sévère nudité. A l’enseignement