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même pas l’attention de la majorité, et pour laquelle on se montrerait peut-être aujourd’hui moins dédaigneux : « Une bonne instruction primaire avec un enseignement professionnel bien organisé, c’est là qu’est l’avenir. » « Cultiver et élever l’esprit des femmes, » sans aucune arrière-pensée de carrières à ouvrir ou de parchemin à utiliser, tel est au contraire l’objet que celui qui connaissait le mieux la loi, M. Camille Sée, lui fixait encore en 1896, Elle a voulu « préparer des épouses instruites, des maîtresses de maison habiles, des mères éclairées. » M. Camille Sée insiste sur le caractère désintéressé de cette instruction, et il proteste par suite contre la préparation aux brevets qui, avant la préparation au baccalauréat, fausse l’application de la loi : « Il ne s’agit plus de faire d’honnêtes filles et d’honnêtes femmes, il s’agit de préparer au certificat, au brevet, » constate-t-il avec regret. Ceux mêmes qui penseraient que cet idéal a fait faillite n’en peuvent contester la noblesse. C’était bien un enseignement secondaire qu’on s’efforçait de créer, conforme à la destination traditionnelle de cet enseignement pour les garçons eux-mêmes, qui est de former des esprits, non de procurer un gagne-pain.

Tel qu’il fut constitué, l’enseignement secondaire des jeunes filles fit en France les plus rapides progrès, au point de désarmer peu à peu toutes les oppositions, sinon de conquérir toutes les clientèles. Mais ce qui est plus frappant que la rapidité de ces progrès, c’est leur continuité. Avant la guerre, au bout de trente-cinq ans, l’essor était loin d’être ralenti. On traversait même une de ces périodes, comme il y en eut quelques-unes, où l’allure de ces progrès s’accélérait. Des lycées, des collèges étaient en projet, dont on remit l’ouverture à des jours plus heureux. De plus, dans les établissements déjà existants, la population s’accroissait. Elle n’a pas cessé de s’accroître, même dans ces quatre années, malgré la réquisition des locaux, malgré les installations de fortune, malgré tant de circonstances défavorables. Il y a actuellement en France cinquante-sept lycées de jeunes filles et quatre-vingt-six collèges. Il y a en outre cinquante-deux cours secondaires qui sont des collèges en espérance. Au recensement du 5 novembre 1917, le nombre des élèves atteignait 38 531.

Et il serait injuste de limiter aux chiffres de ces recensements le nombre des jeunes filles qui ont plus ou moins directement bénéficié de la loi qui a créé l’enseignement secondaire