Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

féminin. Quoique cette loi ait laissé en dehors d’elle l’enseignement privé, l’enseignement d’un grand nombre de maisons d’éducation, primaire légalement, est devenu secondaire en fait. Non seulement les programmes et le niveau de l’enseignement ont continué cette ascension qui était, nous l’avons vu, commencée avant la loi elle-même ; mais le contre-coup de la réforme accomplie dans l’enseignement public s’est fait sentir, sous la double forme de l’imitation et de la concurrence. Cela eût été plus net encore si, comme pour l’enseignement des garçons, l’appel d’un examen commun aux élèves de l’enseignement privé et de l’enseignement public avait créé un irrésistible courant. Mais quoique cette cause d’uniformité n’existât pas, le prestige de l’enseignement public est grand chez nous. A Paris, en particulier, les cours purent garder leur physionomie et leur réputation. Mais, à Paris, comme en province, on fait, dans les cours, les études que l’on fait dans les lycées et collèges. Il y eut une hausse certaine de l’enseignement féminin dans les années qui séparent les deux guerres, et particulièrement dans celles qui sont le plus proches de nous. La somme de connaissances qu’il était décent d’avoir (on ne parlait pas alors d’utilité) s’était accrue. L’opinion publique avait des exigences nouvelles, et avait désappris, à l’égard de certaines ignorances, les indulgences et même les secrètes préférences où elle s’était longtemps complu.

On ne s’aperçut pas cependant que, comme certains l’avaient redouté, la jeune fille française eût rien perdu de son charme et de ses qualités traditionnelles. On s’habitua à la voir sortir avec une serviette sous le bras, et, qui pis est, sortir seule pour se rendre à son lycée. Encore cette libellé est-elle d’hier seulement ; et, si elle n’est pas indifférente, — car rien n’est indifférent dans cet ordre, et les petites choses sont liées à de plus grandes, comme des effets, ou comme des signes, — elle fut si doucement amenée qu’elle n’a pas fait scandale. La lycéenne n’est pas reconnaissable au milieu d’autres jeunes elles, si ce n’est lorsqu’on pousse un peu la conversation et que les sujets abordés demandent plus de réflexion et de savoir. On sent alors un arrière-fonds que l’éducation reçue a déposé en elle. Elle n’en fait pas étalage, car elle a gardé quelque chose de cette « pudeur sur la science » recommandée par Fénelon ; mais, à l’occasion, elle montre qu’elle le possède, et surtout