Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/614

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je m’en moque, je m’en moque !
Qu’ils soient la proie des flammes !
C’est pour toi, mon Prophète et mon guide,
Que tout cela m’arrive.
Pour toi que j’ai laissé là les masures
Et abandonné les greniers !
J’ai vu le ksour : il fait venir les larmes,
Car je me, souviens de tout.
J’ai vu les murs de pisé s’écrouler sur le sol.
Pauvres lieux !
Jamais plus ils ne connaîtront le bonheur !
O hommes libres, j’irai chez vous
Pour faire paître mes brebis...


Rien ne se passe dans la montagne, rien ne se dit dans les kasbah qui n’inspire aussitôt un vers, rythmé au son du tambourin. Le quotidien, le fait du jour alimente toutes ces chansons, leur donne leur couleur naïve et crue, pénétrée de passion et de tendresse. Et Gœthe qui disait volontiers qu’il n’y a de poésie véritable que la poésie de circonstance, n’aurait certainement pas dédaigné cette chanson sans art qu’inspira, l’an dernier, à une poétesse inconnue un 14 juillet dans l’Atlas :


Oui, ces moments sont durs,
Les temps sont difficiles.
O ma bouche, répète les publications
Faites au souk.
Un envoyé est arrivé disant :
« Tribus, le Général arrive !
Vous ferez la fête pour le distraire.
Amenez les chevaux.
Amenez les mulets, les ânes,
Et que les hommes de pied y soient tous ! »
J’ai savonné tout ce qui était sale,
Et par force !
Cavaliers, apprêtez-vous I
Nous allons ramener le fiancé.
L’homme au képi s’amusera.
Il rira de nous, le puant !
En vérité, c’en est fait de notre tranquillité.
Mais nous en avons assez dit.
Nous sommes, ô Dieu, sous ton étoile !