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Au surplus, pourquoi rejeter l’explication fort vraisemblable que les textes nous donnent de ce départ ? Déjà le Mémoire sur la vie de Bossuet de l’abbé Le Dieu nous apprenait qu’il avait été « député à Paris pour les affaires de l’Église de Metz. » Floquet, d’après le Recueil des Édits enregistrés au Parlement de Metz d’Emmery, précise : il s’agissait des affaires du Chapitre ; Bossuet était chargé par ses confrères, d’aller « solliciter » au Parlement de Paris un procès qu’ils y avaient contre un des leurs, un nommé Nicolas le Roux, qui prétendait toucher « tous les gros fruits [1] de sa prébende depuis le jour de sa réception et résidence, sans avoir fait son premier stage. » Quelle importance le Chapitre de Metz attachait-il à ce différend ? Déjà aussi Le Dieu nous le donnait à entendre, en rappelant ce qu’il savait par Bossuet de tous les « bons traitements » par lesquels ses collègues et mandataires lui avaient témoigné leur reconnaissance. Mais voici qu’un texte plus complètement publié par l’abbé Urbain nous fait mieux comprendre l’excitation, sur ce sujet, des avaricieux et chicaneurs chanoines. Ils n’hésitent pas, en 1658, à envoyer à toutes les églises de France une circulaire pour les saisir de ce petit démêlé local. Ils sont convaincus « qu’il importe de ne permettre pas que l’on donne atteinte » en cela « aux coutumes anciennes des Eglises et que cela va au renversement de l’Ordre et des Statuts des Chapitres : » rien moins ! Ils supplient donc tous ceux du Royaume de leur faire savoir « ce qui se pratique chez eux en semblable cas. » Et c’est Bossuet qui, après avoir probablement rédigé, en leur nom, ce factum, est chargé de l’expédier et de recevoir les réponses.

A cette commission rien d’étonnant. On venait à Metz, à plusieurs reprises, d’utiliser ses relations puissantes, d’éprouver son crédit ou celui des siens. Cette année-là même, si l’exil du Parlement de Metz à Toul prenait fin, si la Cour souveraine rentrait à Metz, on pouvait croire que les démarches répétées de son père, le conseiller Bénigne, n’y avaient pas été étrangères.

Il est vrai que la mission menaçait d’être longue. Tous les procès d’autrefois traînaient, mais combien plus ceux où paraissait engagé « un principe ! » Les légistes n’en finissaient pas,

  1. Les gros revenus, les gros émoluments.