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cette occurrence un peu molle, il s’efforçait de gagner du temps et d’atténuer le scandale. C’est lui qui, à Pâques 1658, avait réussi à ajourner le conflit en rédigeant, pro bono pacis, l’acte de soumission [1]auquel Bédacier s’était plié…

Après la bagarre de la Cathédrale, désespéra-t-il de voir jamais corrigés ces confrères dont sa propre nomination, seize ans plus tôt, lui avait révélé la farouche et obstinée indépendance, et l’implacable animosité contre l’autorité épiscopale ? Ce qui est certain, c’est que, trois mois après (11 décambre 1658) lorsque Mazarin se fut désisté de ses prétentions à la succession d’Henri de Verneuil, Bossuet souscrivit à la délibération par laquelle le Chapitre se risquait à réclamer hautement un évêque. Démarche irrégulière, que ne pouvaient accepter ni Rome ni la Cour de France, et qu’ils n’acceptèrent point [2].

Mais pour que Bossuet, — que ses adversaires ont si souvent accusé de timidité à l’égard des puissances, et que nous savons déjà si respectueux de la discipline et de l’obéissance due aux évêques, — s’associât à cette démarche irrévérencieuse à l’endroit du prélat son protecteur, il fallait qu’il en eût assez de cette anarchie ; il fallait qu’il jugeât urgente avant toutes choses, et indispensable malgré tous les obstacles, la mainmise d’un pasteur effectif sur ce diocèse déliquescent

On voit, en tout cas, combien il avait de justes motifs pour saisir l’occasion que les chanoines lui offraient, — non sans intention peut-être, — de s’en aller. Car ils étaient peut-être bien aussi désireux de se débarrasser d’un témoin gênant, que lui-même de se libérer d’un milieu sans noblesse. Lui, il se rendait compte que dans ces horizons abaissés et étroits, dans ce foyer encore brûlant de féodalité cléricale, son action, sa parole, ses idées seraient incomprises et gênées. Sa place était ailleurs que dans ces scènes du Lutrin.


II. — LE DOYENNÉ DE SAINT THOMAS DU LOUVRE :
UN QUARTIER INSTRUCTIF DANS UNE HEURE HISTORIOUE

Dans la circulaire que je rappelais tout à l’heure, envoyée

  1. Peut-être cette pièce n’aurait-elle point été déplacée dans les annexes du tome I de la Correspondance.
  2. Henri de Verneuil ne s’était désisté « expressément » qu’en faveur de Mazarin seul, et le Chapitre, en faisant mine de lui imposer un successeur, témoignait ne tenir aucun compte de ses droits.