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Omer de Champin. Puis les colocataires et, — probablement, — commensaux du Doyenné : quatre ecclésiastiques, dont l’abbé Le Dieu nous a conservé les noms, d’après les entretiens de l’évêque de Meaux : les abbés du Plessis de la Brunetière, d’Hocquincourt, Hugues Janon son cousin, et François Tallemant... Et il y eut là, en outre, l’abbé d’Espinay Saint-Luc et un laïque, le sieur de Saint-Laurent, signalés par Floquet.

Tous personnages « d’une probité connue, » dit Le Dieu, — et point éminents. Pas un qui fût capable d’exercer sur l’esprit de Bossuet une sérieuse influence : oui, sans doute. Mais les plus grands esprits sont les plus réceptifs. Sensément et modestement, ils tirent de partout des aliments qu’ils s’assimilent. Lamet et Champin, anciens camarades de Bossuet à Navarre, y avaient été, eux aussi, élèves d’Adrien de Launoy, « le dénicheur de saints, » l’un des maîtres de l’érudition critique ; quand ils n’eussent fait, — à une date où tant de souffles divers sollicitaient le génie de Bossuet en partance, — que préserver en lui l’esprit de Navarre, modéré et quasi libéral, judicieux et quasi scientifique, c’eût été déjà quelque chose. Sans compter que Léonard de Lamet n’était pas le premier venu ; des notes adressées à Colbert le dépeignent comme un personnage « délié, pénétrant, secret, aimant les anciens sentiments de la Faculté de théologie de Paris, » — ce qui veut dire, vous l’entendez, gallican ; — « sachant bien ces opinions, » favorable aussi au parti janséniste, « hardi » toutefois « sans se compromettre, homme d’expédient et d’ouverture. » Et cette fiche signalétique de policier psychologue ajoute, justement, que cet intelligent Lamet était « l’honnête homme suivant les sentiments de M. Bossuet... »

De MM. de la Brunetière et d’Hocquincourt, l’apport, non plus, n’était pas négligeable : futurs évêques, et bons évêques, de Verdun et de Saintes, disciples de M. Vincent comme lui-même, ils pouvaient continuer à lui rendre sensible la belle et grave renaissance du catholicisme français, lui montrer comment on se préparait à ce gouvernement épiscopal dont plus tard il aura pour lui-même et pour les autres une si haute idée.

Quant à l’académicien Tallemant, le « bel esprit » de la troupe que le Doyenné abritait, il était l’homme qu’il fallait pour empêcher le jeune orateur de comprimer en soi l’art instinctif, le verbe éclatant, alors menacé en lui par une admiration