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pour les affaires du parti, avec Mlle de Vertus, sa compagne, vêtues l’une et l’autre en « tourières de couvent, » toutes deux agitées et mystérieuses.

A côté, l’hôtel de Rambouillet n’est plus, sans doute, aussi animé qu’autrefois. « L’incomparable Arthénice » est malade et triste. Le silence et le vide se font dans la « chambre bleue » où Bossuet avait vu quinze ans plus tôt les connaisseurs, les dames et la gloire lui sourire. Mais si, en 1659, comme l’écrit cette année-là même Mlle de Montpensier, « on n’entre chez Arthénice » que deux ou trois à la fois, — « car la confusion et le bruit déplaisent » à la divinité vieillissante, — le sanctuaire, tout de même, s’entr’ouvre encore. Le gendre de la marquise, Montausier, et sa femme, Julie, fréquemment revenus auprès de leur belle-mère et mère, y reçoivent. Et j’imagine qu’Arthénice même ne devait point permettre que l’héritière de sa science et de sa beauté, la séduisante Philonide du Grand Cyrus, renonçât à faire connaître aux générations nouvelles « ces charmes de l’esprit qui ne se peuvent exprimer. » Julie, au surplus, très pratique et passablement éprise du monde et ambitieuse des triomphes de cour, ne s’y refusait pas. « Pour bien débuter dans le monde, » écrit la Grande Mademoiselle, à la date même où Bossuet vint à Paris, « il faut avoir l’honneur d’être connu d’elle. » Précisément, au commencement de 1659, elle est à Paris, et elle s’y trouve encore au milieu de 1660. Jusqu’en 1661, où elle deviendra gouvernante du Dauphin, les gens de lettres, en sortant de l’Académie qui se tenait au Louvre, ne devaient pas manquer de visiter et la mère et la fille. La rue Saint-Thomas était sans doute toujours un passage de lettrés, une de ces « voies sacrées » où les romans du temps nous montrent cheminant les Illustres.

De l’autre côté de la rue Saint-Honoré et à l’autre bout du Louvre, ce sont des hommes politiques qui vont et viennent, se succédant aux « commissions » qui se tiennent, soit au coin de Saint-Germain-l’Auxerrois, dans l’hôtel du Grand Conseil, soit au Louvre même. Séguier vient de la rue du Bouloi, Louvois descend de la rue Richelieu, le marquis de Châteauneuf de la rue Coquillière ; la duchesse de Schomberg, l’amie de Bossuet et de la Reine, habite, sur la même paroisse Saint-Germain, rue de Bailleul. Et si l’archidiacre de Metz, redevenu Parisien, s’est mis en relations immédiates avec Charles-Maurice Le Tellier,