Pour la France, qui depuis plus de vingt ans est en lutte, à ses frontières et au dedans, on a toutes les ambitions de prospérité ; — pour le jeune Roi, qui a eu le laurier de Rocroy sur son berceau, on rêve toutes les gloires.
Ne croyez pas que ce soit seulement le mot d’ordre officiel que répètent les gazettes, les chansons, les estampes, célébrant par avance les futurs « destins » de « l’invincible monarque du plus puissant État de l’Europe, » de ce prince si accompli, « qu’on est contraint d’avouer qu’il n’est pas moins auguste dans ses divertissements que dans ses actions les plus sérieuses. » « Dire simplement que les affaires de la France vont de bien en mieux, ce serait trop demeurer dans les bornes de la modestie, » écrit la Gazette de France du 1er janvier 1661 ; ses ennemis même en parleraient plus avantageusement, quelque jaloux qu’ils soient des accroissements de sa gloire » A cette proclamation optimiste, elle ajoute toujours un quo non ascendam stimulant. Ces affaires de la France, gardez-vous de croire qu’elles sont « florissantes au point de ne le pouvoir être davantage. » Oui, « la Providence, qui les a portées à ce haut degré, n’a pas dit son dernier mot ; elle est capable de les pousser à l’infini, et de tromper heureusement, de surpasser nos espérances par de nouveaux miracles en faveur d’un Etat à qui elle s’est particulièrement attachée... » Et alors, dans cette foi qui escompte les miracles, dans cette confiance illimitée, on travaille. Ce ne sont pas seulement les diplomates qui préparent les traités et les militaires les conquêtes futures ; ce sont aussi les légistes, les administrateurs, les négociants. Dès avant la mort de Mazarin, cette usine de grandeur s’allume. Fouquet n’a pas seulement des ambitions égoïstes et coupables ; il a aussi de grands desseins que, Colbert, quelquefois, ne fera que reprendre. Lui et Pussort et Séguier s’évertuent, comme Le Tellier et comme Lyonne, à l’envi. Les « bureaux » rédigent des plans, entassent les statistiques, les « historiques, » et les mémoires, ils révisent les lois, en élaborent de nouvelles, par lesquelles si l’autorité du Roi ne saurait être plus entière », elle se révélera encore plus sage et bienfaisante. Et les almanachs de chaque année n’oublient pas (notons en passant ce soin de la monarchie de rendre quelques comptes à la Nation) de mettre sous les yeux du public, en lui en expliquant en détail le mécanisme et les institutions, « l’état