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qu’elles le sont. Force est de le croire : c’est le Droit. Mais de qui sont ces propositions ? Qui en est l’auteur responsable ? Pas saint Augustin, bien entendu, que le Pape au reste déclare ne pas avoir en vue et qui, donc, est hors de cause. C’est un grand point déjà. Sont-elles de Jansénius ? Le Pape l’affirme, mais il ne précise pas où elles se trouvent. Il est bien gros, le livre de Jansénius. Le syndic de Sorbonne qui en a « extrait » les Propositions, les y a-t-il trouvées, toutes les cinq, textuellement ? Mettons qu’elles y soient : représentent-elles bien l’idée de Jansénius ? Il y a, dans une affirmation, les entours, le contexte. Jansénius, s’il les a exprimées sous cette forme, les a-t-il écrites, les a-t-il surtout pensées, dans le sens où le Pape les condamne ? Qui le peut affirmer ? Ce sont là des états d’âme de gens disparus. C’est un fait humain, matière d’histoire, d’érudition, de psychologie, matière à conteste. C’est une, de ces choses légitimement révocables en doute où l’Église ni surtout le Pape, suivant les traditions de la Sorbonne, ne sont indéfectibles, ni surtout infaillibles. Même si on croit le Saint Père infaillible, c’est sur les idées qu’il l’est, non sur les faits. Donc l’on peut faire, — concluent les avocats de Jansénius, — toutes réserves. Et l’on peut souscrire le Formulaire, en souscrivant au Droit, sans souscrire au Fait, — soit que les supérieurs directs qui réclament de vous cette souscription vous en donnent la faculté, en distinguant eux-mêmes le fait du droit (c’est ce que firent les grands vicaires de Paris, au nom de Retz, dans leur mandement de novembre 1658), — soit qu’ils vous expliquent la nature de la foi, qui peut être divine ou humaine, complète et absolue, ou bien partielle et conditionnelle (mandement de l’archevêque de Paris, Péréfixe, — soit même que les supérieurs ne disent rien du tout et sup- posent toutes ces conditions indubitables, connues et reconnues, tant d’eux-mêmes que des fidèles. Dans ces divers cas, on peut souscrire le Formulaire.

Antoine Arnauld d’abord, Arnauld d’Andilly et Nicole sont tous, avec des nuances, de cette opinion ; Pascal, en novembre 1661, l’est aussi, et tellement que c’est lui, dit-on, qui a rédigé le mandement des grands vicaires de Retz. Le docteur Jacques de Sainte-Beuve, qui n’a pas son pareil pour les « cas de conscience » et qui est un bon ami de Port-Royal, a signé des premiers. Et pareillement Du Hamel, l’ancien curé de Saint-Merry,