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Elles parlent clair et ferme et haut. Elles sont debout. Toutes sortes de sentiments les soutiennent.

D’abord peut-être, et avant tout, le sentiment de la valeur de leur pensée. Voyez les premiers mots de la sœur Sainte-Euphémie : elle se plaint sans humilité, du « peu d’état qu’on a fait jusqu’ici de leurs difficultés », du peu « d’égards qu’on a pour leurs peines. » Elles n’entendent pas qu’on les néglige. Elles se rappellent, elles rappellent ce que leurs maîtres leur ont dit, que dans l’Eglise les femmes comptent comme les hommes, valent autant.

Doivent-elles, pourtant, compter pour plus ? Quand les hommes sont disposés à se soumettre, les femmes ont-elles le droit de résister ? — Eh ! pourquoi pas ? Elles les jugent, ces hommes, et elles jugent qu’ils trahissent leur devoir pour « ne pas s’exposer à souffrir. » C’est « une lâcheté véritable. » « Qui empêche tous les ecclésiastiques qui connaissent la vérité, lorsqu’on leur présente à signer le Formulaire, de répondre » tout bonnement : « Je sais le respect que je dois à Messieurs les Evêques, mais ma conscience ne me permet pas de signer qu’une chose est dans un livre où je ne l’ai pas vue... » Et après cela, « d’attendre en patience. » Seulement ils ont peur, les hommes. Ils craignent « le bannissement, la dispersion, la saisie du temporel, la prison, la mort, si vous voulez. Mais n’est-ce pas notre gloire, que la souffrance chrétienne, et ne doit-ce pas être notre joie ? » Sinon, renonçons donc à l’Évangile.

Avec cette fierté, avec cette vaillance, voici chez elles un souci de la sincérité que les femmes n’ont pas toujours eu aussi vif dans les controverses, même au XVIIe siècle (rappelez-vous Mme Guyon). Or, que fait-on de la sincérité, autour d’elles ? Que vilainement on s’en joue, de cette vertu que le monde même se pique d’estimer ! Assez de sous-entendus. Déchirons les voiles. « Je crois que vous savez assez ce dont il s’agit ici... de la condamnation d’un saint évêque, Jansénius, et de la condamnation, enfermée dans la sienne, de la Grâce même de Jésus-Christ. » Or, lisez le mandement de MM. les grands-vicaires de Paris. La pauvre vérité y est-elle assez déguisée ! A tel point « que les plus habiles ont peine à la reconnaître. » Oh ! ce mandement qu’on leur propose, ce mandement où le frère de Jacqueline a mis « son esprit de finesse ! » Comme Jacqueline