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Angélique de Saint-Jean répondit : « que si pendant qu’elles entendaient le mot de soumission comme il venait de dire, d’autres l’entendaient différemment..., il leur était impossible de dire une chose à dessein qu’elle fût comprise autrement qu’elles ne la comprenaient elles-mêmes. »

Et c’était un spectacle très haut, digne de ce beau XVIIe siècle, que celui de l’intransigeance absolue dans la fidélité à un idéal spirituel, et d’une volonté inébranlable d’intégrale vérité. Assurément, je l’ai dit, le monde ne fit pas toujours chorus avec elles, et ne fut pas unanime en cette approbation que les historiens jansénistes dépeignent complaisamment. Les délicats et les douleurs, Guy Patin et Mme de Sévigné, restaient indifférents à ces « extrémités, » ou souriaient. Mais les croyants étaient ébranlés et les simples curieux intrigués : « Paris est maintenant, dit une lettre de 1664, un lieu où l’on peut accourir du bout du monde pour voir la plus grande et la plus rare chose qu’il soit possible d’imaginer, » le combat dont avait parlé si bien Pascal : « le combat de la Violence, contre la plus généreuse et plus abandonnée Innocence. »

Mais ce sont là spectacles que les hommes de gouvernement n’aiment guère. La dévote ivresse, l’entêtement sacré, le pieux orgueil de ces filles, tout cela dévot, sacré, pieux, tant qu’on voudra, révélait cette force invisible, et insaisissable, et toujours suspecte : l’idée. La Cour, au surplus, avait pris parti. Il fallait bien, après avoir décrété la soumission, l’obtenir. Le Roi, en 1661, dictait lui-même au sieur Rose, secrétaire de son cabinet, un « mémoire » où cette maxime était posée : « Ne plus souffrir ni la secte des Jansénistes, ni seulement leur nom, et employer pour cet effet tous ses soins et toute son autorité. »

Trois ans durant, de 1661 à 1663, ce ne furent que des soins. »

Aux deux couvents de Port-Royal à Paris et aux Champs, les missionnaires se succédèrent...

Ecclésiastiques : M. de Contes, doyen du Chapitre de Paris, l’un des grands vicaires du cardinal de Retz ; Mgr Félix Vialart, évêque de Châlons ; M. Bail, supérieur officiel (et délesté) de la communauté ; M. l’abbé Chamillard, vicaire de Saint-Nicolas du Chardonnet ; le père Esprit, de l’Oratoire ; M. de la Brunetière, l’ami et le commensal de Bossuet, grand vicaire du nouvel archevêque