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Oui, dirai-je à mon tour, mais cette solution qui a été naturellement celle du problème qui s’est posé pendant ces cinq dernières années, ne laisse pas de présenter de graves inconvénients et comme promptitude, — malgré la brièveté moyenne du trajet par mer, — et comme régularité, et comme sécurité ; de sorte qu’à y regarder de près ladite solution, la solution traditionnelle, apparaît singulièrement précaire.

La promptitude ?... Certes ! s’il ne s’agit que de la traversée pure et simple du détroit par beau temps. Malheureusement, il faut compter avec le double transbordement, du wagon au bateau à Douvres (ou dans tout autre port anglais), du bateau au wagon à Calais, Boulogne ou Dunkerque. Encore ne parlé-je pas du retard résultant, aux ports d’arrivée, de l’afflux extraordinaire des navires de transport exigeant, chacun, une place au quai ou au wharf, du subit encombrement des terre-pleins, de « l’embouteillement » des gares, etc.

La régularité du débit ?... Outre que cette condition dépend beaucoup des circonstances que je viens de mentionner, comment ne pas compter avec les mauvais temps, si fréquents dans le « channel, » et d’où résultent non seulement de grands retards, mais des pertes sensibles, des avaries de matériel et même des fatigues du personnel transporté dont les conséquences peuvent n’être pas négligeables au point de vue de la première prise de contact avec l’ennemi ?

Tout cela vaut d’être pesé.

La sécurité ?... Ah ! c’est ici surtout qu’il convient de s’arrêter. Et l’on pense bien que c’est pour examiner d’un peu près à quelles entreprises peut se livrer l’adversaire sur le chapelet à déroulement presque continu de véhicules marins, — de surface, — qui reliera, au moment de l’entrée en campagne, les deux rives française et anglaise du détroit.

De ces entreprises, ce qui s’est passé en 1914 et plus tard ne peut donner qu’une faible idée. On sait assez que les Allemands n’avaient pas compté sur l’entrée en ligne, contre eux, de la Grande-Bretagne ; et l’on sait aussi qu’ils n’aiment point qu’on les prenne de court ; c’est une des raisons, et non la moindre, encore qu’on en parle peu, de leur attachement à l’offensive brusquée. Qui attaque ainsi, en effet, surprend et n’est pas surpris. Ils le furent pourtant, cette fois, mais du moins pas par l’adversaire que visaient leurs savantes combinaisons.