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Or, s’il est tout à fait injuste, — ils nous l’ont fait voir ! — de leur dénier la faculté inventive, il est bien certain qu’ils ne sont pas « débrouillards » et qu’ils n’improvisent pas. De là, sans doute, la faiblesse, l’incertitude de leur action, au prime début de la guerre, sur la précaire ligne de communications maritime de l’armée anglaise avec sa base essentielle, le sol même de l’Angleterre. Reconnaissons, au demeurant, que la couverture fournie, dans la Manche hollandaise, par la marine britannique était difficile à percer, pour qui n’avait encore que très peu de sous-marins, bateaux d’expériences et d’exercices, dont les meilleurs ne se révélèrent efficaces qu’à la fin de septembre pour les opérations de guerre.

On ne peut évidemment compter qu’il en serait ainsi dans un nouveau conflit. Tous les moyens possibles, tous les engins de destruction, ceux de l’air, ceux de la mer, en surface comme en plongée, seraient mis en œuvre sans aucun retard. Bien mieux, il est plus que probable que le détroit serait miné presque au moment même de la déclaration de guerre, — puisqu’aussi bien l’opération du mouillage des mines pourrait être commencée aussitôt par des sous-marins disposés ad hoc, déjà rendus sur les lieux et munis de la T. S. F.

Et en même temps, à quelques heures à peine d’intervalle, dirigeables et aéroplanes d’Emden, de Wilhelm’shaven, de Borkum, de Cüxhaven, se montreraient dans le ciel du Pas-de-Calais, tandis que sur la face des eaux se répandraient des flottilles de « destroyers » et d’autres bâtiments légers, — de tout nouveaux, construits en secret, peut-être, — armés de la redoutable torpille automobile, très perfectionnée comme vitesse, portée, justesse et puissance destructive.

Que la Grande-Bretagne, — et nous-mêmes, — nous fussions en mesure de venir promptement à la riposte, c’est ce que je suis tout disposé à croire, bien que l’expérience du passé n’incline pas à une parfaite confiance à cet égard ceux qui pensent que la « mentalité » fondamentale des peuples ne change guère plus que le tempérament moral des individus. Or, il est bien rare que les Anglais ne se soient pas laissé surprendre par les événements au début de celles de leurs grandes guerres qu’ils n’ont pas délibérément voulues. Encore, dans les autres, n’étaient-ils pas toujours absolument prêts à agir avec toutes leurs forces, l’histoire en fait foi.