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Quant à la démocratie française, c’est une question de savoir si la terrible leçon de cette guerre victorieuse, mais bien sanglante et coûteuse, produira longtemps ses effets salutaires. Bornons-nous à l’espérer et revenons à nos considérations purement militaires.

De ces considérations, la conséquence essentielle est que, sans faire fî le moins du monde, dans cette grave affaire du rapide et sûr transport de l’armée anglaise, ni des appareils aériens, ni surtout des véhicules marins, — de surface ou de plongée [1], — il convient de chercher une voie de communication qui nous offre toutes les garanties que nous pouvons raisonnablement demander, puisqu’enfin la perfection n’est pas de ce monde...

Cette voie de communication, c’est, on le devine sans peine, le tunnel sous la Manche.

On sait par quelles vicissitudes sont passés les projets, élaborés depuis 1834 [2], de ce grand œuvre qui aurait dû appartenir au XIXe siècle. Malheureusement, lorsqu’il y a quarante ans ses derniers promoteurs, MM. Breton, Sartiaux (l’auteur des derniers plans) et Hawkshaw, se crurent assurés d’aboutir, une phase de différends anglo-français commença, qui fît tout rejeter, en bloc, par nos défiants, — ou au moins trop prudents, — alliés d’aujourd’hui.

Cette phase semblait toutefois bien close plusieurs années avant la guerre de 1914, — et cela grâce, surtout, au clairvoyant Edouard Vtî. On s’expliquerait difficilement pourquoi les plans de 1878 ne furent pas repris à partir de 1907, par exemple, si l’on ne savait que, chez nos amis d’Angleterre, il existe tout un parti qui, sans être assurément défavorable à la France, n’estime pas qu’il soit de l’intérêt moral de la vieille nation puritaine d’entretenir des relations trop faciles, trop continuelles, avec le continent. Ce parti, à la fois religieux et politique, est sans doute assez peu nombreux, aujourd’hui, après la décisive épreuve de la guerre ; mais qu’on ne s’y

  1. Il peut y avoir intérêt (le tunnel dont il va être question étant mis à part à ce que certains éléments de l’armée transportée, certain outillage, certaines munitions ou matières spéciales bénéficient de garanties toutes particulières de sécurité. Un ingénieur français a déjà proposé des plans de transport sous-marin de 8 000 et même de 10 000 tonnes.
  2. Par l’ingénieur Thomé de Gamond, dont les plans présentent encore aujourd’hui un très vif intérêt.