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technique future, — faire de la matière vivante. Puis on s’est aperçu que, dans le chimisme vital, des corps considérés, à cause de leur petite quantité, comme des impuretés accidentelles, jouent en réalité un rôle prépondérant. On a reconnu que des infiniment petits chimiques, comme les diastases, sont les agents efficaces des actes les plus fondamentaux de l’évolution de la matière organisée.

Là-dessus vitalistes et antivitalistes ont échangé beaucoup d’arguments et même, — ce qui est plus utile, — quelques résultats expérimentaux. J’avoue, pour ma part, ne pas pouvoir me passionner pour ces controverses, et cette façon simpliste de poser les questions. Quand on aura réduit les phénomènes de la matière vivante à ceux de la matière inorganique, — et on n’en est pas là, — je ne vois pas en quoi on aura supprimé le domaine de l’inaccessible et du rêve. Dans les myriades d’électrons qui gravitent éperdument dans l’acier d’une tête d’épingle, n’y a-t-il pas autant de mystère et d’harmonie inexplicable que dans un fragment de muscle ?

Donc il semble aujourd’hui admis que ces actions si importantes des infiniment petits chimiques dans le fonctionnement organique sont des actions non spécifiquement vitales, mais des actions catalytiques. Je rappelle qu’on désigne ainsi une réaction où un corps étranger, dit catalyseur, agit même en quantité infime par sa seule présence, et sans être lui-même altéré. L’exemple le plus courant de catalyseur est l’allumeur à mousse de platine que beaucoup de salles à manger ont sur leur suspension et qui provoque indéfiniment et automatiquement l’allumage du mélange gaz-air lequel ne se combinerait pas sans cela.

Eh bien ! il semble que l’action mystérieuse des vitamines soit, elle aussi, comme celle des diastases, — ou dans un autre ordre d’idées celle des venins, — une action catalytique.

On sait quel est dans l’évolution de la matière vivante le rôle des ferments infiniment petits. Il est aujourd’hui prouvé qu’un grand nombre de ces ferments agissent par l’action de substances non spécifiquement vivantes qu’on peut en extraire mécaniquement ou chimiquement et qu’on a appelé des diastases. Par exemple le dédoublement du glucose en alcool et acide carbonique, qui constitue la réaction essentielle de la fermentation alcoolique et qui est réalisée par les cellules vivantes de la levure de bière, peut être réalisé de même par une diastase que l’on peut en extraire en écrasant ces cellules. Ce qui est remarquable dans cette diastase comme dans toutes celles qu’on voit intervenir dans les réactions chimiques de la