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matière vivante, c’est qu’une quantité infime en est nécessaire et suffisante pour amorcer et entretenir presque indéfiniment la réaction entre des quantités relativement énormes de substances réagissantes. Il paraît aujourd’hui prouvé, que l’action des diastases est une action à tous égards de même nature que celle des catalyseurs minéraux que l’on voit intervenir aujourd’hui dans un si grand nombre de réactions chimiques utilisées industriellement.

De plus, les beaux travaux de Paul Sabatier notamment ont montré que l’action étrange des catalyseurs est due probablement à ce qu’ils forment avec les substances réagissantes des composés chimiques instables qui n’ont pour effet que de créer en quelque sorte une liaison, un chaînon de plus entre les corps en présence. Si j’ose employer cette image terre à terre, les catalyseurs sont un peu comme les intermédiaires qui font passer les denrées du producteur au consommateur. Ils sont les agents de liaison, les brasseurs d’affaires de l’organisme vivant. C’est probablement une action catalytique de ce genre, sans laquelle il manquerait quelque chose à l’assimilation des aliments, qui est le rôle des vitamines.

Tout cela n’empêche point qu’il y ait encore des physiologistes fort sérieux pour douter de l’existence même des vitamines. L’un d’eux, M. Röhmann de Berlin écrivait récemment ; « L’hypothèse de n’importe quelle substance indispensable à la croissance est un moyen commode d’expliquer des recherches incomplètes qui deviendra inutile, sitôt que ces recherches seront achevées. »

C’est vrai, monsieur le professeur ; mais une hypothèse qui suggère des expériences nouvelles et apporte des résultats insoupçonnés, est une hypothèse utile. La science n’en saurait concevoir de meilleures… surtout lorsque par surcroît cette hypothèse permet de guérir des malades et des petits enfants.


CHARLES NORDMANN.