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l’armée Debeney sur le plateau à l’ouest de Castel-Morisel, 16 18 avril, entretenait, le 20, Fayolle de l’offensive, plus que jamais nécessaire, de la 3e armée (Humbert) sur le front Montdidier-Lassigny, et, si les Allemands, le 24, arrachaient Villers-Bretonneux à Rawlinson, le général en chef jetait celui-ci à la reconquête de ce point important. La 1re armée française, en liaison avec celui-ci, reprenait de l’air le 26 ; la division du Maroc soutenait de dures luttes autour de Villers-Bretonneux et la 1re division américaine — pour la première fois engagée — était portée, le 26 avril, — date à retenir, — sur cette partie du front où , quelques semaines plus tard, nos nouveaux alliés allaient, à Cantigny, conquérir leurs premiers lauriers.

En fait, Foch ne perdait de vue aucun des points du champ de bataille et j’ajouterai qu’il l’embrassait, si j’ose dire, dans le temps comme dans l’espace. On précipitait des forces françaises dans les Flandres comme on en avait naguère précipité vers l’Oise et la Somme, comme on en avait, entre temps, placé à portée du front d’Artois ; mais, d’autre part, l’ennemi pouvait attaquer d’une semaine à l’autre sur une tout autre partie du front ; par ailleurs, on devait, lorsqu’un échec grave viendrait soudain le décontenancer, être en mesure d’en profiter. Pour l’un et l’autre cas, il fallait des réserves, des réserves encore, des réserves toujours. L’Armée britannique fondait ; on demandait à l’Angleterre de fournir des renforts, car l’Armée française de son côté, défendant maintenant derechef l’énorme front allant de la Somme aux Vosges et engagée, par une douzaine de ses divisions, fort au nord de la Somme, restait elle-même fort éprouvée, non seulement par quatre ans bientôt de combats, mais fort particulièrement par ceux — très meurtriers — que, de l’Oise à la Flandre, elle venait de livrer. Il fallait que les divisions anglaises fatiguées relevassent dans les secteurs tranquilles des divisions françaises fraîches, afin d’assurer, en arrière, des disponibilités sérieuses ; il fallait aussi que l’Amérique intensifiât ses envois et les précipitât. On avait également obtenu de l’Italie l’envoi de deux divisions ; il les fallait employer au mieux. Ces préoccupations, si elles n’absorbaient point le général en chef, devaient le solliciter et c’était conduire de haut et de loin la grande bataille que de résoudre ces problèmes d’effectifs.