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fatigue. Du 15 juillet au 25 septembre, 163 divisions avaient été jetées dans la bataille, dont 75 avaient été engagées deux et jusqu’à trois fois. Le 26, l’ennemi avait encore 68 divisions en réserve, mais 21 seulement étaient fraîches et 40 à peine reconstituées. Nos adversaires eussent eu besoin d’un mois de repos. C’est bien pourquoi Foch entendait les presser. Ainsi qu’il est coutume, Ludendorff se plaisait à croire ce qu’il espérait et il ne semble pas qu’il ait cru devoir si vite subir un si formidable assaut. Tous les chefs allemands tenaient, de la part de leur ennemi, cet assaut pour une folie : « Nous voulons montrer aux Anglais et aux Français et Américains, écrivait l’un d’eux, que toute nouvelle attaque de la ligne Siegfried sera complètement brisée et que cette ligne est un rempart imprenable. »

Foch se plaisait à entretenir cette demi-sécurité. Le 19 septembre, il partit pour la Lorraine et l’Alsace, non sans faire plus ou moins indiscrètement parvenir aux « oreilles ennemies » la nouvelle de cette fugue censée secrète. Le 21, il descendit jusqu’à Massevaux : on le vit à Lure où il entretint longuement le général de Boissoudy, commandant la 7e armée, à Belfort où il parut se renseigner sur l’Alsace. L’ennemi put croire que, désespérant de briser ses lignes, le commandant en chef des armées Alliées s’allait perdre en une opération excentrique.

Après quoi, celui-ci regagna non plus seulement son quartier général de Bombon, mais, à travers tout le terrain déjà reconquis, Mouchy-le-Châtel où il régla minutieusement, le 23, avec Haig, Fayolle, Rawlinson et Debeney, les attaques des 27 septembre et jours suivants. A la même heure, le général Pétain avait adressé à Fayolle une note relative aux opérations des 10e et 5e armées entre l’Oise et la Suippe : Mangin préparerait une attaque éventuelle de la droite de la 10e armée en direction de Chavignon et de la Malmaison en vue de faire tomber le Chemin-des-Dames et de forcer l’ennemi à repasser l’Ailette sur toute la ligne de la rivière (c’était la réédition de la célèbre manœuvre conçue par Pétain et exécutée par Maistre en octobre 1917) ; appuyé par Mangin, Berthelot, à son tour, par une attaque de la 5e armée entre l’Aisne et Reims, seconderait l’offensive de la 4e armée Gouraud. (La 6e armée avait quitté cette région pour venir prendre sa place dans le groupe d’armées des Flandres.) Mais c’était de Gouraud et des Américains que