Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/809

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Foch attendait un « élan » que rien ne devrait briser, ni le souci d’une trop étroite liaison ni l’habitude des objectifs restreints. Il fallait « faire le plus large appel à l’esprit de décision et à l’initiative de tous, afin que la rupture de la ligne de résistance de l’ennemi fût exploitée sans désemparer aussi profondément que possible. » Rien ne devait ralentir « le mouvement de cette armée (la 4e ), qui restait décisif. » En fait, c’était en direction lointaine de Sedan qu’allaient opérer Gouraud et les Américains et le coup pouvait en effet être décisif.

Par ailleurs, Foch qui, nous le savons, aime conduire « son orchestre, » donnait à tous le la. Ne se contentant point d’exposer les buts stratégiques, il inspirait la tactique : il fallait rechercher sans cesse à produire des effets de rupture en organisant des groupes d’attaque destinés à marcher sur des objectifs dont la possession assurerait l’ébranlement du front. Des généraux en chef aux plus humbles officiers, les chefs devaient collaborer de près à cet assaut. On sent, à la façon dont le commandant en chef descend dans le détail, le frémissement dont son âme était agitée. Il voyait clairement que le sort de la campagne tenait aux huit jours qui suivraient.

Les 24 et 25 septembre, une grande accalmie s’était faite sur le front. Rien n’est plus solennel que ces moments où chacun interroge son cœur et ses muscles.


LA BATAILLE ENTRE SUIPPE ET MEUSE
26 SEPTEMBRE-1er OCTOBRE

Depuis le 8 septembre, Gouraud était avisé qu’il aurait, dans les environs du 25, à exécuter, en liaison avec la 1re armée américaine à sa droite, une offensive en direction générale de Mézières. Et depuis trois semaines, il s’y préparait. Dès le 20, les six corps d’armée (9e 2e, 11e, 14e, 38e et 21e), destinés à l’action, étaient en place. Derrière eux, le 1er corps de cavalerie se tenait prêt à dépasser l’infanterie à l’heure où l’exploitation exigerait ses services. Le front d’attaque allait d’Auberive-sur-Suippe, à l’Ouest, à Vienne-le-Château, à l’Est, où Gouraud se liait à l’armée américaine.

La 1re armée américaine, couverte à sa droite par la Meuse, devait opérer, à cheval sur l’Argonne : son 3e corps tenant le terrain entre le fleuve et Malancourt, son 5e entre ce village et