Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/866

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impérialistes de Berlin puissent la soulever à nouveau ; pour que, dès aujourd’hui, l’Allemagne, humiliée, mais non résignée à sa défaite, soit persuadée que les « frères de race, » qui habitent entre les Vosges et le Rhin, subissent, en protestant, une domination étrangère.

L’Allemagne a été atteinte dans son orgueil encore plus que dans ses intérêts matériels, par la perte des deux provinces qu’elle avait brutalement annexées. Elle a horriblement souffert en lisant les descriptions des fêtes de la délivrance en Alsace-Lorraine. Ah ! si les élections pouvaient lui assurer un semblant de revanche ! De là ses efforts désespérés à l’effet de provoquer une réaction, dont elle pourrait s’enorgueillir. Ne dédaignons donc pas cette agitation. Elle n’atteint pas le cœur des Alsaciens-Lorrains, mais elle aggrave les malentendus et agit sur les esprits que l’unitarisme français inquiète.


Et cela m’amène tout naturellement à parler d’une des revendications primordiales, et celle-là pleinement justifiée, des Alsaciens-Lorrains, amis de la France, c’est-à-dire, de la nécessité absolue d’un régime transitoire dans les provinces reconquises.

Il est impossible d’introduire en bloc en Alsace-Lorraine la législation française. Trop d’intérêts matériels et moraux légitimes seraient compromis. Une période d’accommodation plus ou moins longue doit donc être prévue. Comment procéder ? Deux systèmes ont trouvé des défenseurs. On peut, en effet, imaginer que les départements d’Alsace et de Lorraine étant rattachés à un ministère, celui de l’intérieur par exemple, les Chambres françaises seraient appelées à voter les dérogations au droit français dont la nécessité aurait été reconnue Ce serait là un appareil lent et pesant, qui ne fournirait que de très mauvais travail. Mieux vaut incontestablement (la preuve en est faite) confier le pouvoir législatif, en Alsace-Lorraine, à un Commissaire général qui, appartenant au ministère, est, par le fait même, soumis au contrôle constant du Parlement. En effet, de quoi s’agit-il ? De créer un droit nouveau ? Non ! mais de préparer, par voie de décrets, l’accommodation progressive de la législation alsacienne-lorraine à celle de la France. Nul mieux qu’un représentant officiel de la