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d’origine française. Ces excès de langage produisent, sur l’ensemble de la population, un effet désastreux.

A Metz l’affaire devait avoir des conséquences très graves. Le syndicat des cheminots exigea le renvoi de l’employé accusé d’avoir insulté les mécaniciens, et, comme on ne lui donna pas satisfaction immédiate, la grève fut proclamée et tout le trafic suspendu pendant plusieurs jours sur le réseau lorrain. L’administration finit par céder. Or, voilà que les cheminots demandent qu’on ne leur donne plus de chefs ignorant la langue allemande. C’est là une prétention excessive et qui est en contradiction flagrante avec une autre revendication du syndicat, la nationalisation du réseau d’Alsace-Lorraine. En effet, si ce réseau devient réseau d’Etat, c’est sur les lignes de l’Ouest qu’il faudra recruter le personnel supérieur et il y a tout lieu de supposer que les employés parlant l’allemand doivent y être peu nombreux. Les mêmes cheminots sont, d’un autre côté et à bon droit, désireux de voir disparaître les fonctionnaires allemands qui les commandent. L’administration se trouve dès lors devant un problème insoluble.

Il est certain que les employés moyens qui entrent en relations directes avec le petit personnel, devraient déjà, dans l’intérêt du service, parler la langue de ce dernier. En cherchant bien, surtout sur le réseau de l’Est, où les Alsaciens sont très nombreux, il eût été facile de donner satisfaction, sur ce point, aux cheminots des deux provinces reconquises. Peut-être s’est-on laissé entraîner, là comme ailleurs, à subir le régime des recommandations, au lieu de s’occuper exclusivement des compétences. Et puis, n’a-t-on pas négligé de donner de l’avancement, quand cela était possible, au personnel indigène ? Je pose simplement ces questions, sans essayer d’y répondre.

Il faut, de toute nécessité, tenir compte du fait que les petits fonctionnaires, en Alsace-Lorraine, n’ont pas la pratique courante de la langue française. Ils y arriveront ; mais qu’on leur laisse le temps de l’acquérir. Toute précipitation, toute impatience ne pourrait que nuire au but qu’on se propose.

Cela posé, je tiens à protester contre les entreprises des germanophiles sournois qui voudraient se servir du problème linguistique pour se livrer à la plus pernicieuse agitation. Quand, par exemple, ces théoriciens de « l’Alsace-Lorraine aux Alsaciens-Lorrains » exigent que les sentences des tribunaux et les