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souhaitable et souhaitée sera plus lente. C’est probable ; mais ne devons-nous pas désirer qu’elle se fasse sans heurts ? Il faut avant tout qu’une opposition d’intérêts ne devienne pas une opposition nationale. Or, au train où nous allions pendant les premiers mois qui ont suivi l’armistice, la France aurait payé les frais des maladresses de ses représentants.


Je considère, d’ailleurs, comme un devoir, de proclamer hautement que, depuis l’arrivée de M. Millerand à Strasbourg, l’administration a fait preuve de la plus grande bienveillance, vis-à-vis de la population indigène. La France a sacrifié plus de deux milliards pour la valorisation de la monnaie allemande circulant dans les deux provinces reconquises et des dépôts ouverts se trouvant dans les banques d’Alsace-Lorraine. Ont été nommés à des postes de juges et de notaires tous les jeunes juristes du pays, même ceux qui, d’après le droit allemand, n’avaient pas toutes les qualifications exigées pour ces emplois. Professeurs et instituteurs ont été titularisés. Le ravitaillement du pays a été remarquablement organisé. Le fonctionnement des lois sociales est assuré.

En somme, s’il y a des tâtonnements, il ne faut pas oublier que tout était nouveau, en Alsace-Lorraine, pour ceux qui avaient été appelés, sans préparation, à administrer le pays, et qu’on ne saurait mettre en doute le zèle qu’ils ont apporté à s’adapter à ce milieu d’eux inconnu. La France a retrouvé ses provinces perdues à une heure particulièrement difficile. Elle saignait par mille plaies. Sa fortune était atteinte, les meilleurs de ses enfants avaient disparu. Le problème financier se compliquait de celui de la vie chère et de celui de la crise de production. Elle ne pouvait pas se donner tout entière à son œuvre de restauration dans les provinces enfin retrouvées. Par ailleurs, l’Alsace-Lorraine sortait elle-même d’une longue période de servitude qui, pendant les cinq années de guerre, avait dépassé le dernier degré de l’ignominie. Elle avait trop souffert pour ne pas trop espérer de sa libération définitive.

Il est deux éléments qu’il ne faut jamais perdre de vue, quand on étudie la situation actuelle entre les Vosges et le Rhin. L’exercice de la liberté exige un certain apprentissage. La presse alsacienne-lorraine qui, sous le régime allemand, était